Rénover ou attendre ?

Mardi, 15 février, 2022
Isabelle Morin, La Presse

Extrait(s) :

Après s’être figé aux premiers jours de la pandémie, l’Homo bricolus s’est rabattu sur son nid dès le mois suivant pour ne plus déposer sa scie ronde. Malgré la flambée des prix et la pénurie de matériaux, l’intention de rénover est toujours aussi vive chez les consommateurs, ce à quoi un entrepreneur général répond : « Attachez votre tuque ! »

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La pandémie a chamboulé les cycles habituels du marché et fait exploser la demande pour les matériaux et fournitures de rénovation ou de construction, révèle Richard Darveau, président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT).

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Une combinaison de facteurs expliquerait ce bouillonnement : d’abord, l’envie d’améliorer son chez-soi où l’on passe beaucoup de temps, mais aussi une plus grande disponibilité pour le faire et un budget de loisirs et de vacances redirigé, pour certains, vers la rénovation. Ajoutez à ce mélange des taux d’intérêt à un niveau historique. Incorporez d’autres impondérables : les retards accumulés sur les chantiers durant les confinements, des enjeux de transport de la marchandise, une main-d’œuvre diminuée en raison de la COVID-19, des usines paralysées ou mobilisées par la fabrication de produits sanitaires et des catastrophes de l’ordre de celles qui ont notamment touché l’industrie du bois d’œuvre. Brassez le tout et vous obtenez un parfait décalage entre l’offre et la demande.

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Les chiffres d’affaires augmentent, certes, mais non sans un exercice de jonglage pour composer avec les pénuries, les délais de livraison, les budgets et le manque de main-d’œuvre. « J’ai recruté beaucoup d’employés, mais je pourrais en engager 25 autres demain matin, évalue Pierre Boivin. Et pour les matériaux, on travaille beaucoup en amont. Avant on le faisait just in time [juste à temps], maintenant, c’est just in case [au cas où] ! Je préfère réserver pour 1 million de matériaux que d’en manquer. » Tout le monde ne peut toutefois se le permettre, convient-il.

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Dans l’état de la situation, « patience » est le mot à retenir. « Prévoyance » et « adaptabilité » suivent de près.

Trois entrepreneurs sur quatre affirment avoir besoin de recruter, selon l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ). Des mesures incitatives entreprises pour renflouer le bassin d’artisans portent graduellement leurs fruits, mais les besoins ne seront pas apaisés à court terme. Il faut réserver ses équipes longtemps d’avance, conseille le président de l’APCHQ, Paul Cardinal. Les artisans de l’industrie sont par ailleurs dans le siège du conducteur : les contrats fermés pour les budgets, autant que pour les échéanciers, ne sont pas dans l’air du temps.

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Pour ceux qui attendent le parfait moment : nul ne peut prévoir l’avenir. « Mais l’industrie est mieux vaccinée pour faire face à une nouvelle réalité et s’adapte. Avec le temps, on peut aussi penser qu’on apprendra à mieux vivre avec cette pandémie et l’idée de rénover deviendra une activité parmi d’autres, projette le président de l’AQMAT. Le prix des matériaux, les enjeux de main-d’œuvre… tout ça devrait se stabiliser dans les prochaines années. Mais voudra-t-on attendre jusque-là pour concrétiser ses projets ? Si oui, un petit coup de peinture est parfois utile pour changer le mal de place en patientant. »