Réaction au Rapport annuel de gestion 2022-2023 de la RBQ

Mardi, 19 décembre, 2023
Marc-André Harnois, ACQC

Ceux qui nous suivent depuis un certain temps le savent: à chaque automne, j’ai hâte de pouvoir me pencher sur un nouveau rapport annuel de gestion (RAG) de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) et cette année n’a pas fait exception ! En effet, la Régie étant le principal organisme d’encadrement de l’industrie qui nous intéresse, son RAG est LE document officiel public qui nous permet de voir les progrès réalisés (ou pas) sur les nombreux enjeux où on nous promet des améliorations notables. Voici donc un résumé des éléments qui m’ont frappé dans la version 2022-2023

Premier élément, peut-être le plus objectif qu’on puisse noter: La RBQ a déclaré un excédent de 22,3 M$ (23%), le plus grand de son histoire (aussi bien en absolu qu’en relatif, même en dollars constants), ce qui porte son excédent accumulé à 209 M$, soit près de trois fois ses charges annuelles. Alors que les défis y sont si grands, on peine (euphémisme) à s’expliquer une telle accumulation de fonds publics. 

Ensuite, en août 2021, la RBQ annonçait « de nouvelles mesures pour protéger le public et rehausser la qualité dans l’industrie de la construction». Principalement, elle annonçait « l’embauche de près de 130 effectifs d’ici 2022 [...] [dont] plus de 70 % se consacreront aux inspections et aux enquêtes. » 19 mois plus tard, force est de constater que, bien que des embauches aient été faites, elles ne se sont pas traduites par l’augmentation des heures d’inspection et d’enquête à laquelle on aurait pu s’attendre. En effet, en équivalent temps plein (ETC), la RBQ est passée de 511 employés en 20-21, à 541 en 21-22, puis 565 en 22-23. Dans le contexte de recrutement difficile qui sévit actuellement, il faut reconnaître qu’une croissance d’environ 5% par année, c’est notable, mais c’est encore très loin de ce que l’annonce laissait entendre. D’ailleurs, ramené en proportion du nombre de licences (lequel augmente rapidement d’environ 3,4% par année depuis la pandémie), le nombre d’heures travaillées est demeuré pratiquement le même, à près de 20 heures par licence (au moins il ne diminue pas). Surtout : les heures travaillées à la Vice-présidence aux enquêtes ont même diminué de 5% en 22-23 (après une hausse de 9% en 21-22). Si on comprend que le ralentissement dans l’industrie de la construction est possiblement une explication de cette diminution, considérant l’excédent de 23% déclaré par la RBQ, c’eût quand même été l’occasion d’augmenter leur présence sur les chantiers, par exemple. 

Mais bon… soyons de bonne guerre. Le nombre d’heures travaillées ne dit rien des résultats obtenus. Alors, allons voir du côté des résultats. À ce sujet, il faut prendre les données du RAG avec précaution, car elles ne disent, en soi, que bien peu de choses. Par exemple, si on fait de meilleures enquêtes qui mènent à davantage de condamnations, à efficience et effectifs égaux, on en fera forcément moins. Inversement, si on finalise davantage d’enquêtes, mais que ça donne moins de condamnations, on peut se demander si on a favorisé la quantité à la qualité. Or, 22-23 ne brille ni par un, ni par l’autre. Le nombre de vérifications finalisées est en baisse (-41%), tout comme le nombre d’enquêtes pénales finalisées (-16%). Étonnamment, cela s’est malgré tout traduit par un nombre de condamnations pénales qui a plus que doublé. Cela dit, à 163 condamnations, on demeure très loin des performances prépandémiques d’environ cinq à six cents condamnations. 

Ainsi, globalement, si on remarque des améliorations ici et là, la transformation promise de cette importante institution du Québec se fait toujours attendre. On comprend bien, des discussions qu’on peut avoir avec eux et certains de leurs collaborateurs, qu’ils y travaillent (et même que certaines choses seraient en train de bouger!), mais on s’explique toujours aussi mal que de tels excédents ne permettent pas d’aller un peu plus vite. À leur décharge, certains changements importants exigent des modifications à la Loi sur le bâtiment, un dossier qui s’éternise sur le bureau du ministre Jean Boulet. Celui-ci, pour des raisons qu’on peut comprendre, a accordé la priorité à la loi R-20 (qui encadre les ouvriers) dans le but d’accélérer les chantiers en répondant à la pénurie de main-d'œuvre par une augmentation controversée de sa mobilité. On attendait le dépôt d’un projet de loi à ce sujet cet automne, lequel aurait pu être suivi d’un projet de loi concernant la Loi sur le bâtiment, mais il semblerait que ce sera pour 2024… on l’espère.