Enfin de la formation continue obligatoire pour les entrepreneurs en construction

Mardi, 30 juin, 2020
Marc-André Harnois, Directeur général de l'ACQC

 

Ça faisait des années que c’était demandé par de nombreux acteurs du milieu dont évidemment l’ACQC, mais c’est discrètement qu’une petite révolution dans le domaine de la construction a été officialisée le 13 mai dernier.

Présentement, pour se qualifier pour une licence d’entrepreneur en construction devant la Régie du bâtiment du Québec (RBQ), on peut soit passer des examens de la RBQ, soit être diplômé d’une formation reconnue, soit démontrer sa qualification sur la base de son dossier professionnel. Or, une fois qu’un entrepreneur en construction a obtenu sa licence de la RBQ, ses seules obligations pour la conserver sont d’en payer le tarif annuel et de conserver un dossier acceptable et en règle. Cela veut dire qu’on peut légalement faire carrière comme entrepreneur en construction sans jamais se mettre à jour.

Or, alors qu’on parle de plus en plus de «science du bâtiment», de maisons «éco-responsables» ou «éco-énergétiques», de maisons solaires passives, de certifications Novoclimat ou même LEED; alors que de nouveaux matériaux, de nouvelles méthodes et de nouvelles normes à respecter paraissent régulièrement, aucune obligation de formation continue n’est imposée. Il ne faut alors pas s’étonner des lacunes, déficiences et manquements concernant la qualité de la construction que l’on peut observer dans l’industrie.

C’est ce à quoi la RBQ tente de remédier en ajoutant un chapitre «Formation continue» à son Règlement sur la qualification professionnelle des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires, ce que l’ACQC ne peut qu’applaudir. Cela étant dit, il ne faudrait surtout pas s’attendre à ce que la situation change à la vitesse grand V.

D’abord, les modifications n’entreront en vigueur que le 1er avril 2022. On comprend qu’il faut laisser le temps à l’industrie de s’ajuster, mais avait-elle vraiment besoin d’un délai deux ans, alors qu’on sait depuis 2011 que la RBQ pourrait réglementer en ce sens ?

Ensuite et surtout, le temps de formation continue imposé demeure très modeste. Pour la majorité des entrepreneurs, cela représentera une moyenne de 8h de formation par année. On est relativement loin de ce qui est imposé aux arpenteurs-géomètres (12h), aux urbanistes (15h), aux ingénieurs (15h), ou aux architectes (20h). Aussi bien dire que ce n’est pas avec 8h de formation par année qu’on aura soudainement des entrepreneurs bien au fait des derniers changements normatifs, réglementaires et technologiques. Déjà qu’aucune formation initiale n’est imposée, le chemin sera encore long vers une véritable professionnalisation du métier d’entrepreneur en construction.

La RBQ écrivait dans son communiqué annonçant la mesure que: «Cette obligation vise notamment à réduire les risques potentiels que, au fil du temps, un écart se crée entre les règles de l'art les plus à jour et les pratiques du répondant et qu’il puisse y avoir des répercussions sur la qualité des travaux et sur la sécurité du public.»

L’ACQC tient à réitérer qu’un écart entre les règles de l’art et la pratique de bien des entrepreneurs existe malheureusement déjà et qu’elle peut en constater les répercussions sur la qualité des travaux quotidiennement. Pour éviter qu’un tel écart existe, il faut d’abord s’assurer que les entrepreneurs obtenant une licence de la RBQ soient, dès le départ, à niveau. Une formation préalable obligatoire ou des examens plus exigeants auraient, pour cela, beaucoup plus d’impact sur la qualité de la construction, prérequis qu’une formation continue obligatoire plus exigeante pourrait compléter.

Néanmoins, l’ACQC se réjouit et se doit de souligner ce qu’elle considère être un premier pas dans la bonne direction, un pas qu’on peut probablement attribuer à l’influence de M. Michel Beaudoin, de retour à la barre de la RBQ depuis maintenant deux ans et demi, ainsi qu’à la ministre Andrée Laforest qui, avec l’interminable commission sur le projet de loi 16, a bien démontré sa volonté de réformer le domaine pour le mieux. On peut se permettre d’espérer que cette nouvelle mesure saura insuffler graduellement un changement de culture dans l’industrie, changement qui facilitera, un jour, l’adoption d’une réglementation plus exigeante.