Une hypothèque légale du fisc sur leur maison

Dimanche, 26 novembre, 2023
Marc Tison, La Presse

Extrait(s) :

Le fisc a inscrit une hypothèque légale sur leur maison à cause des impôts d’entreprise impayés de son conjoint. Est-elle redevable de ses dettes ?

« Une hypothèque légale, on ne savait même pas ce que ce mot voulait dire, il y a trois semaines », a confié Hélène* lors d’une conversation téléphonique.

Elle avait écrit à La Presse quelques jours plus tôt.

« Une situation difficile vient de surgir dans notre famille, écrivait-elle. Ma fille, début trentaine et mère de deux enfants d’âge préscolaire, vient d’apprendre qu’il y a deux hypothèques légales sur sa maison. Elle est propriétaire à 50 % avec son mari. Les hypothèques légales sont au nom de son conjoint et sont dues au fait qu’il n’a pas payé ses impôts ni ses taxes d’entreprise et elles courent depuis 2019 à un taux d’intérêt de 10 %. »

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Ils ont acheté la maison pour 250 000 $ en 2019 et ont versé une mise de fonds de 5 %.

Peu de temps après, son conjoint lui a appris qu’une hypothèque légale de 16 000 $ avait été inscrite sur la maison, mais qu’il s’engageait à la rembourser à raison de 3000 $ par mois.

L’homme est entrepreneur.

« Il n’avait pas payé ses taxes, donc TPS et TVQ d’entreprise. Et il n’avait pas fait son rapport d’impôt non plus. Ma fille ne s’en est pas souciée. Elle lui a fait confiance. »

Une confiance trahie.

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Ils devront vendre la maison. Elle vaut probablement 550 000 $, estime la mère. Le solde hypothécaire avoisinerait 150 000 $.

« La maison était à 50-50 quand ils l’ont achetée. Ma fille craint que son équité [la valeur nette réelle] soit amputée par les dettes de son conjoint. Elle ne sait pas si elle peut être tenue responsable de ses dettes à lui, alors que ce sont des dettes d’entreprise. »

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Régie par le Code civil, une hypothèque légale est un droit accordé au créancier sur un bien en cas de défaut de paiement, explique le planificateur financier David Truong, président de Banque Nationale Planification et avantages sociaux.

L’article 2724 précise que seuls quatre types de créances peuvent donner lieu à une hypothèque légale : les créances de l’État pour les sommes dues en vertu des lois fiscales, les créances des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble, la créance du syndicat des copropriétaires pour le paiement des charges communes, et enfin les créances qui résultent d’un jugement.

Dans le cas d’une hypothèque légale pour créance fiscale, « le gouvernement l’a inscrite pour dire : on va prendre les recours dont on dispose pour se faire rembourser. Si tu vends ta maison, on est créancier prioritaire, avant même l’hypothèque immobilière du prêteur original », décrit David Truong.

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Dans un jugement rendu en Cour supérieure en 2010, le demandeur (le mari) demandait que sa conjointe assume la moitié de l’hypothèque légale de 28 475 $ que le fisc avait obtenue à son encontre pour impôts d’entreprise impayés. Il alléguait que l’argent qu’il n’avait pas appliqué au paiement des dettes de ses sociétés avait servi directement à faire vivre sa famille.

La défenderesse (sa conjointe) demandait d’exclure du patrimoine familial les dettes reliées « aux agissements illégaux du défendeur dans la gestion de ses sociétés québécoises qui avaient occasionné deux hypothèques légales sur la résidence familiale ».

La juge lui a donné raison.