Si vous êtes propriétaire d’une maison construite entre les années 1930 et 1990, prenez toutes vos précautions avant d’entreprendre des rénovations, car votre habitation pourrait contenir de l’amiante, un produit cancérigène si vous en inhalez des particules.
Dans cette page :
- Qu’est-ce que l’amiante?
- Pourquoi l’amiante est-il dangereux?
- Quels sont les risques d’exposition à domicile?
- Comment vous protéger?
- Transaction immobilière et amiante
- Quels sont les recours pour les victimes?
Qu’est-ce que l’amiante?
L’amiante est une catégorie de minéraux fibreux que l’on retrouve à l’état naturel dans les formations rocheuses partout dans le monde, y compris au Québec. Dans ce groupe de minéraux, on retrouve entre autres l’actinolite, l’amosite, l’anthophyllite, la crocidolite, la trémolite et le chrysotile.
Au début du XXe siècle, l’amiante a connu une grande popularité dans le secteur industriel en raison de sa grande résistance aux températures élevées. En plus de cette résistance, la durabilité, la malléabilité et le pouvoir insonorisant de cette matière polyvalente en ont fait un produit très couru dans le milieu de la construction pour différents usages (matériaux de construction, vêtements de protection, etc.).
Sa popularité a toutefois connu un déclin fulgurant lorsque ses effets néfastes sur la santé se sont avérés indéniables.
L’histoire de l’amiante au Québec
Au Québec, la première mine d’amiante se met en marche en 1878, dans le canton de Thetford. L’exploitation de ces minerais engendra de grandes répercussions économiques pour la province au courant du XXe siècle. En effet, le Québec fut l’un de ses principaux producteurs au monde, ce qui permît la création de nombreux emplois.
Cependant, en 1949, une grève de l’amiante survient. Plus de 5000 mineurs revendiquent de meilleures conditions de travail, tant salariales que sanitaires, alors que le nombre de maladies pulmonaires chez les travailleurs augmente drastiquement.
Une deuxième grève se tient en 1975, à Thetford. D’une durée de sept mois, cette grève incita le gouvernement du Québec à mettre sur pied le Comité d‘étude sur la salubrité dans l’industrie de l’amiante, menant ainsi à l’adoption de la première Loi sur la santé et la sécurité du travail.
En 1990 et en 2013, deux dispositions réglementaires furent adoptées pour exiger des mesures de prévention très rigoureuses afin d’éviter que les travailleurs soient exposés à la fibre d’amiante.
La toute dernière mine d’amiante au Québec ferma ses portes en 2012, mais ce n’est qu’en 2018 que le gouvernement fédéral interdit la fabrication, l’utilisation, la commercialisation et l’importation de ce groupe de minerais et des produits qui en sont composés.
Pour en savoir plus sur l’histoire de l’amiante au Québec, consultez la page Web Amiante - 150 ans de présence au Québec, de l’Association pour les victimes de l’amiante du Québec (AVAQ).
Pourquoi l’amiante est-il dangereux?
L’amiante s’ajoute à la liste des produits cancérigènes puisqu’elle est la source, en cas d’inhalation de ses particules, de différents cancers.
Ces particules fibreuses peuvent s’incruster dans les poumons et y causer beaucoup de dommages à long terme. En effet, les répercussions d’une exposition à l’amiante, même minime, peuvent se manifester de 15 à 30 ans plus tard et sont malheureusement irréversibles lorsque le diagnostic tombe.
Les principaux cancers qui y sont associés sont :
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le cancer du poumon
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le mésothéliome
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le cancer du larynx.
S’ajoutent à ces cancers deux maladies qui découlent directement de l’exposition de cette fibre : les plaques pleurales et l’amiantose.
Quels sont les risques d’exposition à domicile?
Si ces maladies énoncées précédemment sont réputées toucher principalement les travailleurs sur les chantiers, toute personne vivant dans une maison construite ou grandement rénovée entre 1930 et 1990 court aussi des risques si les précautions adéquates ne sont pas prises lors de travaux de rénovation.
Puisque l’interdiction d’utiliser et de commercialiser des produits contenant de l’amiante ne remonte qu’en 2018, il n’est pas impossible qu’un bâtiment construit avant puisse contenir des matériaux qui en sont composés, mais les risques sont moindres.
Les matériaux de construction à risque de contenir de l’amiante
Si vous avez une maison construite ou qui a été grandement rénovée dans cette période ciblée, voici des matériaux que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a identifiés comme ayant une concentration d’amiante qui nécessite une attention particulière (liste non exhaustive) :
- Bardeaux d’asphalte de toiture
- Calorifuges
- Carreaux de plafond et leurs adhésifs et panneaux de plafond suspendu
- Matériaux en fibrociment tels panneaux de revêtement extérieur, panneaux de soffite, tuyaux
- Panneaux de gypse
- Composés à joints
- Carton bitumé pour toiture
- Flocages
- Isolants divers (chaudière, conduite de ventilation)
- Plâtre, stuc, crépi et autres finis décoratifs
- Tuiles de plancher en vinyle sur support-ciment et leurs adhésifs
- Isolant à la vermiculite (notamment la marque Zonolite).
Le site Web du gouvernement du Québec rend également disponible une liste des sources possibles d’amiante dans une maison qui va au-delà des matériaux de construction.
Les matériaux exempts d’amiante
La CNESST mentionne aussi que certains matériaux sont peu susceptibles de contenir de l’amiante s’ils ont été produits à partir d’une certaine date, tels que :
- les panneaux de gypse et les composés à joints fabriqués par des entreprises nord-américaines depuis le 1er janvier 1980;
- les flocages installés dans les bâtiments et les ouvrages de génie civil depuis le 15 février 1990;
- les calorifuges installés dans les bâtiments et les ouvrages de génie civil depuis le 20 mai 1999.
Les travaux pouvant générer des particules d’amiante dans l’air
Il est important de rappeler que les matériaux contenant de l’amiante ne représentent pas un danger important pour votre santé s’ils sont en bon état, s’ils sont laissés intacts ou, encore, s’ils sont isolés au grenier, scellés dans les murs ou sous le plancher.
Santé Canada indique que ce sont plutôt lors de certaines activités de rénovation ou de démolition que de la poussière d’amiante peut être libérée dans l’air et que vous pourriez en inhaler, par exemple :
- le sciage
- le raclage
- le perçage
- le ponçage
- l’enlèvement
- le déplacement
- le sectionnement
- le lissage de bords rugueux.
Comment vous en protéger?
Que vous ayez en tête de rénover votre maison, que vous planifiez entamer des démarches pour la vendre ou que vous souhaitiez simplement prendre vos précautions, voici différents moyens de vous protéger contre l’amiante dans votre domicile.
Analyser la situation avant tout
La première étape à prévoir avant d’entreprendre la moindre manipulation est de vérifier si votre maison contient bel et bien de l’amiante.
Sur le site Web du gouvernement du Québec, il est recommandé de faire une inspection visuelle minutieuse de votre habitation. Pour réaliser cette étape complexe, vous pouvez :
- soit faire affaire avec entrepreneur qualifié, qui confirmera la présence d’amiante et déterminera si certains matériaux doivent être analysés;
- soit passer par un laboratoire spécialisé en analyse de matériaux pouvant contenir de l’amiante et détenant une compétence d’analyse de cette matière.
Nous vous recommandons fortement d’opter pour un laboratoire, lequel n’est pas en conflit d’intérêt, n’ayant que son expertise à vous vendre et pas les travaux qui pourraient suivre.
Si vous optez malgré tout pour un entrepreneur, investiguez ses réelles compétences dans le domaine. Au Québec, il n’existe pas de sous-catégorie de licence RBQ spécifique ou de certification officielle pour les professionnels qui peuvent intervenir sur des chantiers contenant de l’amiante. Parmis les sous-catégories de licence RBQ pouvant effectuer ces travaux, certaines (spécialités de l’annexe III) ne requièrent aucune évaluation de la qualification en exécution de travaux, que ce soit concernant leur spécialisation ou l’amiante spécifiquement. Sans vérifications de votre part, rien ne vous garantit sa compétence.
Précautions en cas de rénovation mineure
CAA-Québec recommande de prendre les précautions suivantes si vous devez faire de petits travaux (réparation d’un bout de mur, perçage de trou pour accrocher un cadre ou découper une ouverture dans le mur) sur des matériaux contenant de l’amiante.
Avant les travaux
- Sceller la zone de travail.
- Tenir éloignés les autres personnes et les animaux de compagnie.
- Porter des vêtements de protection appropriés, notamment un masque approuvé par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) pour la protection contre l’amiante.
Pendant les travaux
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Mouiller les matériaux sur lesquels vous travaillez pour réduire la poussière, en évitant tout contact avec l’électricité.
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Le plus possible, éviter de couper ou de briser en morceaux les matériaux à retirer.
Après les travaux
- Nettoyer la zone de travail à l’aide d’un chiffon mouillé ou d’un aspirateur doté d’un filtre à haute efficacité pour les particules de l’air (HEPA), puis sceller les déchets et le chiffon dans un sac étanche.
- Vérifiez auprès de votre municipalité la façon d’éliminer les déchets accumulés contenant de l’amiante.
- Laver ou jeter vos vêtements de travail.
- Prendre une douche.
Précautions en cas de rénovation majeure
Si vos tests en laboratoire ont révélé la présence d’amiante dans certaines composantes de votre habitation, passez par un entrepreneur spécialisé qui sera en mesure de prendre toutes les précautions pour protéger votre santé ainsi que la santé de ses travailleurs lors de travaux plus significatifs.
Pour vous assurer que toutes les précautions adéquates sont prévues par cet entrepreneur, vous pouvez discuter avec lui des mesures qu’il mettra en place. Ces mesures doivent répondre aux exigences du Code de sécurité pour les travaux de construction.
Transaction immobilière et amiante
La présence d’amiante peut-elle être un vice caché ?
Dans la majorité des cas, la découverte d’amiante après l’acquisition d’une propriété n’est pas considérée être un vice caché.
Parmi les critères d’un vice caché, il doit être grave au point de rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou en diminuer tellement son utilité que vous ne l’auriez pas acheté au même prix.
À ce jour, du moment que l’amiante ne se retrouve pas dans l’air de la maison et n’affecte donc pas la santé, sauf exception, les tribunaux ont jugé que la présence d’amiante n’empêchait pas l’usage normal d’une habitation. En effet, la plupart du temps, les travaux de rénovation sont effectués sans être absolument nécessaires, mais plutôt pour répondre aux désirs du nouvel acheteur. Ainsi, les tribunaux ont jugé que démolir ou rénover un bâtiment ne faisait pas partie de ses usages normaux et que, de toute manière, la présence d’amiante ne rendait pas les travaux impossibles, mais uniquement plus coûteux. Sans travaux, la présence d’amiante n’affecte en rien l’usage normal de l’habitation telle qu’achetée.
À noter que, si vous achetez un bâtiment avec le projet d’y effectuer des travaux importants et que vous craignez des imprévus comme de l’amiante qui pourraient faire augmenter le coût des travaux, cette volonté peut être inscrite à l’offre d’achat. Cela permet de préciser l’usage auquel le bien est destiné et peut rendre grave un vice qui autrement ne le serait pas (et inversement). Consultez un professionnel du droit (avocat ou notaire) pour la rédaction d’une telle stipulation.
Également, si vous avez des doutes sur un matériau précis, vous pouvez rendre votre offre d’achat conditionnelle à un test d’amiante en laboratoire.
Il s’agit d’une jurisprudence que nous souhaiterions plus nuancée. En effet, il nous semble que dans l’esprit des consommateurs, pouvoir rénover raisonnablement son habitation à un coût prévisible pour l’adapter à des besoins familiaux qui évoluent fait partie des attentes légitimes d’un propriétaire. Sans dire que le retrait total de l’amiante devrait être assumée par le vendeur, on comprend l’acheteur, lorsque des travaux de rénovation raisonnables sont entrepris, de vouloir invoquer la responsabilité du vendeur pour la différence de coût entre des travaux sans, puis avec présence d’amiante, à plus forte raison si le vendeur connaissait la présence d’amiante et ne l’a pas déclaré.
Devez-vous déclarer sa présence?
La présence d’amiante n’étant généralement pas reconnue comme étant un vice, si une maison contient de l’amiante, mais que sa présence n’affecte pas l’air ambiant, un vendeur n’est pas tenu par la loi de déclarer sa présence.
Cependant, si un courtier est impliqué dans la transaction, il fera remplir au vendeur un formulaire de déclaration du vendeur qui demande explicitement si celui-ci a connaissance de présence d’amiante. Mentir ici (ou dans toute autre déclaration à l’acheteur, orale ou écrite), équivaut à de la tromperie (un dol) et peut se retourner contre vous.
Même si aucun courtier n’est impliqué, nous recommandons fortement aux vendeurs d’utiliser un formulaire de déclaration du vendeur et d’y indiquer tout ce dont il sont au courant qu’on pourrait par la suite leur reprocher de ne pas avoir déclaré. C’est un des meilleurs moyens d’éviter les poursuites.
Une autre option à envisager si vous souhaitez vendre votre maison est d’opter pour le désamiantage. À titre indicatif, le désamiantage d’une maison standard peut coûter autour de 12 000 $ (très variable) selon la superficie touchée, ce qui représente parfois moins que ce que des acheteurs pourraient vouloir retirer de leur offre après coup.
Quels sont les recours pour les victimes?
Vous considérez que votre santé a été endommagée en raison d’une exposition à l’amiante? Nous vous invitons à contacter l’Association pour les victimes de l’amiante du Québec (AVAQ).
Retour sur le recours collectif contre Zonolite (échu)
Zonolite® Attic Insulation est une marque de vermiculite (un isolant en granules) qui s’est avérée pouvoir contenir de l’amiante.
En 2004, l’ACQC a entamé des démarches pour exercer un recours collectif contre le fabricant Grace Canada, la maison-mère aux États-Unis et le gouvernement du Canada. Cette démarche visait à dédommager les propriétaires ayant dû décontaminer leur propriété ou baisser le prix de vente de celle-ci en raison de la présence de cet isolant lorsque contaminé par l’amiante.
Cependant, en 2008, la Cour supérieure de l’Ontario a approuvé un cadre de règlement qui s’inscrit dans une procédure d’entente nord-américaine avec le fabricant Grace, dans le contexte particulier de la faillite de cette compagnie. Les réclamants avaient alors jusqu’au 31 décembre 2009 pour faire parvenir leur formulaires de réclamation.
Ladite entente sera débattue quelques années aux États-Unis, mais le jugement final tombera en 2012. Les réclamants ayant fait parvenir leur formulaire dans les temps ont eu jusqu’en 2016 pour faire parvenir leurs preuves, année où les indemnisations ont finalement été versées.