La Facture fait encore une fois très mal paraître la RBQ.
Auteur: ACQC - Marc-André Harnois, directeur-général
En novembre dernier, je profitais du scandale causé par deux reportages de l’émission La Facture sur Les Habitations Trigone pour dresser un bilan des actions de surveillance effectuées par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ). J’y déplorais le peu de condamnation par plainte, le peu d’inspections par entrepreneur (en particulier dans les secteurs considérés à risque faibles comme le petit résidentiel) et la délégation bien illusoire de responsabilités de la RBQ aux municipalités. Tout cela me semblait d’autant plus injustifié, que la RBQ est exceptionnellement à l’aise financièrement. Avec des excédents annuels d’environ 20% depuis 10 ans et un surplus accumulé non affecté équivalents aujourd’hui à plus de deux ans de fonctionnement, peu d’organismes publics jouissent d’une telle situation.
Or, La Facture en a ajouté une couche importante dans un reportage paru le mois dernier. Encore une fois, si le cas spécifique de l’entrepreneur est révoltant, les lacunes qu’il fait apparaître à la RBQ le sont encore davantage.
En résumé, l’entrepreneur dénoncé construit des chalets autour de lacs du Québec sans licence RBQ depuis 15 ans. L’entrepreneur en question, bien connu de la RBQ et considéré comme un récidiviste, a été condamné deux fois pour un total de 66 000 $, toujours impayé. Comme la loi l’exige, la municipalité avait envoyé le nom de l’entrepreneur et de son entreprise à la RBQ lors de l’émission du permis de construction, sans plus de vérifications. Tout cela suscite plusieurs questions.
D’abord, le reportage met beaucoup l’emphase, à juste titre, sur les vérifications qui devraient être faites au moment de l’émission du permis de construction. Ne serait-ce pas plus efficace si, avant même l’émission du permis de construction, la Municipalité vérifiait elle-même la licence, plutôt que de délivrer le permis en envoyant les informations à la RBQ qui pourra ensuite (ou pas, manifestement) sévir contre les entrepreneurs sans licence? Or, le maire interrogé affirme que même si une telle vérification était faite, rien dans la loi ne leur permet de refuser un permis de construction en raison de l’absence d’une licence appropriée. N’est-ce pas un pouvoir qui pourrait être donné aux Municipalités suffisamment diligentes pour se soucier de la qualité de ce qui se construit sur leur territoire? À défaut, les municipalités ne pourraient-elles pas au moins exiger le numéro d’entreprise et le numéro de licence RBQ (lorsqu’applicable), de manière à ce que l’information transmise à la RBQ soit plus facilement utilisable? Il nous semble qu’il s’agit de mesures que devrait étudier Mme Andrée Laforest, Ministre des Affaires municipales et de l’Habitation.
Ensuite, l’entrepreneur, deux fois condamné à des amendes qu’il n’a de toute manière même pas payées, continue à opérer sans s’en inquiéter. Est-ce l’amende, la crainte de se faire prendre ou la certitude de devoir payer qui n’est pas suffisante pour être dissuasive?
Surtout, on peut se demander comment il se fait qu’un individu puisse opérer ainsi durant 15 ans. Il aura fallu une douzaine d’années avant que l’entrepreneur soit condamné une première fois. Alors que la RBQ reçoit les informations pour chaque permis de construction émis au Québec justement parce qu’elle a le rôle de chien de garde en la matière, il semble bien qu’elle ne joue pas son rôle… que personne ne joue ce rôle.
À ce sujet, la réponse de la RBQ est inacceptable :
« C’est des dizaines de milliers de documents, d’informations qui nous sont transmises à chaque semaine par les municipalités. Ça s’en va dans une base de données. Cette base de données là peut être utilisée pour la planification de nos interventions, mais il n’y a pas un individu qui regarde et qui revoit chacun des dossiers. Chaque transmission de déclaration n’est pas analysée une par une parce que c’est de l’information qui n’est pas pertinente en soi. »
Si cette base de données était réellement utilisée à bon escient, ça n’aurait pas pris douze ans pour que survienne une première condamnation. On ne demande pas une mesure de l’âge de pierre que serait la révision manuelle de chaque document (tel qu’évoqué), mais des moyens modernes de surveillance que la RBQ a les moyens de se payer, comme une alerte automatisée lorsqu’un permis de construire est délivré pour un entrepreneur qui n’apparaît pas au registre des licences RBQ. Alors que la RBQ avait manifestement en main depuis des années les données nécessaires pour repérer l’entrepreneur illégal, d’entendre que ces données ne sont pas pertinentes en soi dépeint, encore une fois, une RBQ incapable de reconnaître ses lacunes. Comme chacun le sait, on trouve rarement des solutions à un problème qu’on refuse d’admettre.
Plus encore, d’arguer la trop grande somme de documents à traiter pour faire appliquer la loi dont elle a la responsabilité est une insulte aux consommateurs du Québec qui comptent sur la RBQ pour remplir son rôle de s’assurer que chaque entrepreneur mérite la confiance du public. C’est également une insulte pour chacun des plus de 20 000 entrepreneurs généraux du Québec qui paient leur licence plus de 800 $ chaque année dans l’espoir que les 16 000 000 $ ainsi récoltés servent à empêcher la concurrence déloyale effectuée par des entrepreneurs sans licence, malhonnêtes ou incompétents.
Clairement, la ministre Andrée Laforest doit agir, aussi bien pour forcer la RBQ à utiliser des moyens de surveillance efficaces que pour exiger des municipalités d’y contribuer plus efficacement.