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Revendications de l’ACQC concernant l’hypothèque légale de la construction

 

L’hypothèque légale de la construction (HLC) est un droit hypothécaire accordé à l’industrie de la construction pour la protéger contre les défauts de paiement. Ultimement, il peut permettre à ceux qui ont participé à des travaux sur un bâtiment de faire vendre ledit bâtiment en justice pour être payés. Il s’agit d’un droit exceptionnel accordé exclusivement à l’industrie de la construction et qui n’a aucun comparable dans toute autre industrie au Québec.

 

Si vous êtes aux prises avec une HLC, consultez notre page d’aide sur le sujet.

 

L’ACQC déplore depuis des années l’utilisation abusive qui est faite de ce droit par de nombreux entrepreneurs en construction. En effet, plusieurs failles dans les lois actuelles permettent facilement à des entrepreneurs peu scrupuleux de pratiquer ni plus ni moins que de l’extorsion sur leurs clients : 

  • Lors de l’inscription d’une HLC au Registre foncier du Québec, aucune vérification n’est faite du bien-fondé de la demande;

  • Il n’y a pas de seuil minimal au montant d’une HLC et on pourrait donc théoriquement vendre en justice une maison, même la résidence principale du client, pour le paiement d’une créance d’un dollar, alors que la résidence principale est pourtant protégée contre la saisie pour des créances de moins de 20 000 $ (C. proc. civ. a.700) dans plusieurs autres cas;

  • Une HLC ne peut pas être contestée à la Cour des petites créances (même si le montant est de moins de 15 000 $), mais se conteste plutôt la plupart du temps en Cour supérieure, ce qui coûte en général au moins 10 000 à 15 000 $;

  • L’HLC étant un droit accordé à l’industrie, à moins qu’on puisse démontrer la mauvaise foi (ce qui est difficile), la jurisprudence ne considère pas son utilisation fautive comme étant abusive et il est donc très difficile d’obtenir des dommages-intérêts lorsqu’on en est victime. 

Ces quatre points combinés font en sorte que, la plupart du temps, lorsque le montant en litige est relativement peu élevé, le consommateur a davantage intérêt à payer l’entrepreneur qu’à contester une HLC, et ce, même dans les cas où il serait facile de le faire (p.e. lorsqu’elle a été publiée hors délai). 

Or, dans certaines circonstances, le client est tout à fait dans son droit de ne pas payer. Par exemple, l’article 2111 du Code civil du Québec dit que « Le client […] peut retenir sur le prix, jusqu’à ce que les réparations ou les corrections soient faites à l’ouvrage, une somme suffisante pour satisfaire aux réserves faites quant aux vices ou malfaçons apparents qui existaient lors de la réception de l’ouvrage. » C’est précisément le contexte dans lequel se trouvent la plupart des consommateurs qui nous contactent au sujet de l’HLC. 

Le scénario typique dénoncé à l’ACQC est celui d’un consommateur qui, ayant constaté que les travaux ont mal été exécutés, demande des travaux correctifs et refuse de payer la facture finale tant que ceux-ci n’auront pas été effectués. L’entrepreneur publie alors une HLC afin de forcer le consommateur à payer, que ce soit justifié ou pas. Dans la quasi-totalité des cas, le consommateur cède rapidement lorsqu’il comprend que ce sera beaucoup plus long et coûteux de contester l’HLC que d’obtenir une radiation volontaire par l’entrepreneur. Plus le montant en litige est bas, plus cette logique est évidente. 

Afin de mieux documenter cette situation révoltante, l’ACQC a réalisé une analyse des données du Registre foncier du Québec (obtenue par JLR) concernant l’HLC pour la période de janvier 2015 à novembre 2020. Nous avons pu constater que les données sont tout à fait compatibles avec la situation telle que dénoncée par l’ACQC.

D’abord, il se publie un peu moins de 3000 HLC par année, dont 40 % concernent des catégories de bâtiment attribuables aux propriétaires-occupants (dont 22 % uniquement dans l’unifamilial). Donc, sans dire que l’HLC est un problème qui concerne principalement les propriétaires occupants, on peut dire qu’ils sont loin d’y échapper.

Ensuite, la plupart des HLC sont publiées dans un contexte de rénovations (et non sur un bâtiment neuf comme certains scandales médiatisés peuvent le laisser croire). 

Surtout, alors que l’HLC est un moyen extrême qui permet la vente en justice de la résidence principale d’un citoyen, elle est souvent inscrite pour un montant dérisoire au vu des conséquences qu’elle a. Dans les catégories de bâtiment attribuables aux propriétaires-occupants, c’est 42 % des HLC qui sont inscrites pour un montant de 15 000 $ et moins, ou encore 52 % pour moins de 20 000 $, ou même 58 % pour des montants de 25 000 $ et moins. 

L’écart entre le grand nombre d’inscriptions et le très faible nombre de procédures correspondantes devant les tribunaux corrobore que l’HLC est utilisée comme un moyen de pression terriblement efficace sur le consommateur et que celui-ci, la plupart du temps, choisit de payer, que ce soit justifié ou pas.

En conséquence, l’ACQC revendique trois principaux changements législatifs : 

  1. Comme une HLC ne peut être contestée à la Cour des petites créances et que le législateur a jugé que pour favoriser l’accès à la justice et la saine administration de la justice, les litiges de moins de 15 000 $ devaient, sauf exception, être entendus par celle-ci, nous demandons à ce que le Code civil du Québec soit modifié de manière à ce qu’une HLC ne puisse plus être inscrite pour une créance de moins de 15 000 $. Le législateur doit faire preuve de cohérence et empêcher que les justiciables soient forcés de s’adresser à la Cour supérieure du Québec pour un litige de moins de 15 000 $, une aberration. 

  2. Une HLC, même pleinement justifiée, ne devrait pas permettre la saisie de la résidence principale du client pour une créance de moins de 20 000 $. Dans n’importe quelle autre industrie, un consommateur qui ne paie pas s’expose éventuellement à la saisie de ses biens, mais pas de sa résidence principale pour une petite créance. La résidence principale est généralement protégée et ce pour de très bonnes raisons. Nous ne voyons pas pourquoi l’industrie de la construction bénéficie d’une exemption à ce principe et c’est pourquoi nous demandons que soit modifié l’article 700 du Code de procédure civile de manière à ce que l’immeuble servant de résidence principale au débiteur ne puisse être saisi pour exécuter une créance de moins de 20 000 $ lorsque la créance résulte d’une HLC. 

  3. L’HLC étant dans la loi actuelle un droit tout à fait légitime accordé à l’industrie de la construction, son utilisation, même lorsque jugée erronée, n’est généralement pas considérée comme « abusive » par les tribunaux, à moins d’arriver à démontrer la mauvaise foi, ce qui est généralement difficile à faire. Il s’agit d’une nuance, car ce n’est qu’en démontrant l’abus que la victime s’ouvre la porte à des dommages-intérêts et donc, au remboursement de ses frais d’avocats. Nous sommes d’avis que les consommateurs seraient plus enclins à se défendre (et les entrepreneurs moins prompts à publier des HLC) si le Code de procédure civile était amendé de telle sorte que la publication d’une HLC soit présumée abusive dans les cas où le client exerçait légitimement le droit de réserve prévu à l’article 2111 du Code civil du Québec ou que les travaux comportaient des vices ou malfaçons.

Pour conclure, l’ACQC constate surtout un problème concernant les HLC de faible montant et ne conteste donc pas le droit à l’HLC dans son ensemble. Même si en désaccord avec le principe, il faut reconnaître que passé un certain seuil, l’HLC ne change plus grand-chose aux frais qui seront nécessaires pour obtenir gain de cause. Après tout, un litige de plus de 85 000 $ sera entendu en Cour supérieure du Québec, qu’il y ait HLC ou pas. Il est cependant nécessaire de beaucoup mieux baliser ce droit. L’HLC est un droit exceptionnel qui ne devrait s’appliquer qu’à des cas exceptionnels. La vente en justice d’une propriété pour régler un différend de 6 000 $ est une mesure sans cohérence avec le droit québécois dans son ensemble et, à notre avis, franchement déraisonnable. Un différend de cet ordre ne devrait jamais se retrouver en Cour supérieure, ni avoir de telles répercussions.

Pour en savoir plus, consultez notre analyse des données du Registre foncier du Québec concernant l’HLC, dont les graphiques ci-bas sont issus.

Lors de la campagne électorale de 2018, l’actuel ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, s’était commis dans le cadre d’un reportage de l’émission La Facture et avait formulé l’engagement de modifier la législation sur l’HLC advenant l’élection de la CAQ. C’est d'ailleurs pourquoi nous vous invitions à l'hiver 2021 à signer notre pétition pour le lui rappeler ! Nous en profitons pour remercier Mme Lise Thériault, députée d’Anjou–Louis-Riel et porte-parole de l’opposition officielle pour la protection des consommateurs, d'avoir accepté de présenter notre pétition. 

Suite à ces représentations, une analyse d'impact réglementaire a été commandée par le Ministère de la Justice du Québec à l'été 2021, dans le cadre de laquelle nous avons été consultés. Alors que son contenu devait rester confidentiel, les représentants de l'industrie s'en sont saisi pour sonder leurs membres afin de nourir leur travail de lobyisme, ce que nous avions vertement dénoncé. En date de février 2023, le cabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barette, affirme toujours que le projet de règlement est à l'étude et la Gazette officielle en a d'ailleurs fait mention au début du mois. Est-ce que ça pourrait faire partie d'un méga projet de loi réformant plusieurs aspects du droit de la consommation (les demandes ne manquent pas en ce domaine) ? Seul l'avenir nous le dira. 

 

HLC, par contexte, par mois, de janvier 2015 à février 2020

HLC par montant (arrondi au 1 000 $ près, jusqu’à 85 000 $), de janvier 2015 à novembre 2020

HLC par montant (arrondi au 5 000 $ près), de janvier 2015 à novembre 2020