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Rapport du Groupe d’experts sur l’hypothèque légale de la construction

La Chambre des notaires du Québec a rendu public aujourd'hui le rapport du groupe d'expert qu'elle avait mandaté sur la question de l'hypothoque légale de la construction. 

Chambre des notaires du Québec, 2021-05-12

Commentaire

L'ACQC est très heureuse de la qualité du rapport et des recommandations faites par le groupe d'experts, ainsi que très fière d'avoir pu contribuer à ses travaux et de retrouver une part importante de son argumentaire dans ledit rapport. 

Il va de soi que le groupe arrive à des solutions beaucoup plus élaborées dans son rapport de 50 pages que celles que l'ACQC pouvait expliquer et argumenter dans une pétition de 250 mots, ce qui explique certaines des différences entre les deux. Malgré ces différences, nous sommes très favorables à l'adoption, en bloc, de ces recommandations et saluons le travail remarquable effectué par le groupe. 

Notons particulièrement la protection de la résidence principale pour des créances de moins de 20 000 $ (tel que demandé dans notre pétition), la proposition d'un Tribunal administratif de l'habitation, ainsi que la reconnaissance de la pertinence de carrément abolir l'hypothèque légale de la construction. 

Extrait(s) :

Des problématiques quant à l’application des hypothèques légales de la construction sont depuis longtemps soulevées tant par les tribunaux, les auteurs que les parties prenantes. 

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En effet, cette hypothèque peut causer un préjudice grave aux propriétaires fonciers qui pourraient notamment devoir payer, deux fois plutôt qu’une, la facture des travaux de construction ou de rénovation effectués sur leurs propriétés ou même voir celles-ci se vendre sous contrôle de justice ou prises en paiement. 

Sans nier l’importance de sécuriser la plus-value que les travaux des acteurs de la construction et de la rénovation au Québec apportent à l’immeuble, l’hypothèque légale de la construction peut facilement devenir la source d’abus. Bien qu’un bénéficiaire d’une hypothèque légale doive exercer ses droits conformément aux exigences de la bonne foi, l’abus de droit fut malheureusement maintes fois constaté.

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Dans le cadre de la réforme du Code civil du Québec, il a été proposé d’abolir ce privilège. 

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Cette proposition a toutefois fait l’objet de vives protestations. 

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L’industrie de la construction s’est appropriée ce nouveau « privilège » depuis maintenant plus de 25 ans sans que le législateur ne vienne jamais modifier ou préciser sa portée en fonction de l’expérience « terrain » vécue par les différentes parties en présence, laissant le soin aux tribunaux d’intervenir lorsque des litiges surviennent. 

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Dans ce contexte, les propriétaires occupants et les tiers acquéreurs sont particulièrement à risque de subir les conséquences néfastes et parfois désastreuses de l’inscription d’une hypothèque légale sur leur propriété. En d’autres mots, ces consommateurs se retrouvent trop souvent dans des situations où l’équilibre des forces en présence n’existe tout simplement pas. 

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Les conséquences pour l’acheteur peuvent être graves : il peut voir son immeuble grevé d’une hypothèque légale d’un participant à la construction pour une créance qu’il n’a pas contractée lui-même, et ainsi risquer de devoir acquitter les dettes de l’entrepreneur ou du vendeur qui se trouve en défaut de paiement à l’égard de ses créanciers de la construction.

Nous pourrions croire que l’intervention du notaire lors de l’achat d’une propriété ayant fait l’objet de travaux de construction ou de rénovation permettrait à l’acheteur d’être dûment protégé contre le risque d’hypothèque légale de la construction. Toutefois, le cadre législatif actuel fait en sorte que, malgré les vérifications du notaire au registre foncier et les dénonciations de contrat effectuées au vendeur, l’acquéreur et son notaire seront rarement en mesure de connaître l’étendue des contrats non payés avec le risque qu’une hypothèque légale soit inscrite contre la propriété après son acquisition (il ne faut pas oublier que l’hypothèque légale de la construction n’a pas besoin d’être publiée pour être opposable aux tiers).

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Le propriétaire peut trouver certaines protections dans la Loi. 

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Toutefois, la réalité nous démontre que ces mesures de protection ne sont malheureusement pas suffisantes pour éviter au propriétaire d’être pris en otage et, éventuellement, d’avoir à acquitter des créances qu’il n’a pas contractées. Quant à l’acheteur, le risque est encore plus grand. 

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Les moyens légaux dont bénéficie actuellement le propriétaire pour se protéger contre les hypothèques légales de la construction n’offrent, somme toute, qu’une protection très sommaire.

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Pour le propriétaire-occupant qui fait affaire avec des intervenants de la construction en matière résidentielle, par exemple pour des travaux de rénovation sur sa résidence principale ou bien pour la construction d’un chalet sur un terrain lui appartenant, le risque de se retrouver dans une situation fâcheuse est, à l’opposé, beaucoup plus grand. En effet, aucun moyen de protection ne pourra être inclus au contrat entre lui et l’entrepreneur à moins que ce dernier n’y consente. 

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De plus, n’oublions pas que le propriétaire-occupant n’est pas toujours au fait des moyens de protection qu’il pourrait demander. L’expérience de la pratique notariale nous enseigne que, dans la majorité des cas, les acheteurs de propriétés neuves ou rénovées ne sont pas au courant qu’une hypothèque légale de la construction peut possiblement grever leur immeuble. Le concept de « fin des travaux » leur est étranger, tout comme la possibilité de faire une retenue lorsqu’un contrat leur est dénoncé par un sous-traitant. 

Cette situation illustre bien l’inégalité des forces entre les parties en présence qui rend les acheteurs et les propriétaires-occupants vulnérables aux conséquences importantes qui peuvent découler de l’inscription d’une hypothèque légale sur un immeuble. Le législateur doit être sensible à cette réalité et avoir comme objectif de rétablir l’équilibre entre les droits et privilèges des uns et les impacts que l’hypothèque légale peut avoir sur les autres. 

Une bonification des mesures de protection relativement aux hypothèques légales de la construction pour l’acheteur et le propriétaire-occupant est donc de première importance.

Il est à noter que les recommandations suivantes sont pour la plupart cumulatives et doivent être considérées comme un tout, sinon elles n’auront pas l’efficacité souhaitée afin de protéger le public. 

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Protéger la résidence principale

Il existe une disposition au Code de procédure civile qui protège la saisie de la résidence principale :  

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Le Code civil du Québec établit que l’hypothèque ne peut grever des biens insaisissables38 et l’article 700 C.p.c. vient clairement indiquer que la résidence principale est insaisissable en certaines circonstances. 

En matière d’hypothèque légale de la construction, force est de constater que plusieurs d’entre elles garantissent une créance de moins de 20 000 $. L’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC) rapporte que pour le secteur du consommateur 42 % des hypothèques légales de la construction sont inscrites pour garantir une créance de 15 000 $ et moins et 58 % pour des créances de 25 000 $ et moins. Il n’est pas difficile de croire que, dans la majorité des cas touchant la résidence principale, cette sûreté est exagérée en comparaison de la créance qui est due. Ainsi, ce que le législateur interdit de faire pour l’hypothèque légale résultant d’un jugement est permis pour l’hypothèque légale de la construction. Cette dichotomie privilégie un secteur de l’économie au détriment des autres et empêche le législateur d’atteindre son objectif de protection de la résidence principale, introduit à l’article 700 C.p.c.

Il est donc recommandé d’ajouter l’hypothèque légale de la construction à l’article 700 C.p.c., à l’instar de l’hypothèque légale résultant d’un jugement. Cet ajout aura pour effet de protéger la résidence principale contre la saisie résultant des créances de la construction et de la rénovation de moins de 20 000 $. Cette recommandation vient ainsi suppléer en partie le fait que le Code civil du Québec ne contient aucune exigence quant à l’importance des travaux de construction et de rénovation donnant droit à l’hypothèque légale de la construction. En effet, même les travaux mineurs de rénovation, souvent entrepris par des particuliers, peuvent donner ouverture à cette garantie. En faisant un tel ajout à l’article 700 C.p.c., le législateur viendrait protéger le principal avoir financier de la grande majorité des particuliers.

3. Pour la protection de la résidence principale en matière de construction et de rénovation, ajouter à l’article 700 C.p.c. une interdiction de saisie pour exécuter une créance garantie par une hypothèque légale de la construction de moins de 20 000 $ 

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Un tribunal spécialisé en matière d’habitation résidentielle

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Constatant cette situation d’engorgement des tribunaux et considérant que le gouvernement a comme priorité de permettre un meilleur accès à la justice pour les citoyens, il est proposé que les autorités gouvernementales étudient la possibilité de créer le Tribunal administratif de l’habitation qui, à l’instar du Tribunal du logement, serait le tribunal de première instance pour entendre les litiges en matière d’habitation résidentielle. 

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C’est justement l’objectif visé ici : rétablir l’équilibre dans les relations entre les propriétaires-occupants et les intervenants du domaine de la construction et de la rénovation. Un tribunal administratif de l’habitation permettrait un accès plus rapide et simplifié à un coût moindre pour le justiciable. Les avantages seraient nombreux. Ce tribunal, qui pourrait rendre jugement sur le fond dans un court délai, permettrait à l’entrepreneur d’obtenir le paiement plus rapide de sa créance ou pour le propriétaire, obtenir la radiation rapide de l’hypothèque légale de la construction et le retour de sa capacité d’emprunt garanti par sa propriété.

À l’instar du Tribunal administratif du logement, nous recommandons que le Tribunal administratif de l’habitation entende toute demande relative aux droits des propriétaires immobiliers résidentiels lorsque, notamment, la somme demandée est inférieure à 85 000 $. Ses champs de compétence pourraient s’étendre également aux litiges en matière de copropriété divise qui sont également nombreux.

14. Que le gouvernement étudie la possibilité de créer le Tribunal administratif de l’habitation pour entendre les demandes relatives aux droits des propriétaires immobiliers résidentiels lorsque notamment la somme demandée est inférieure à 85 000 $.

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Quelques mots sur l’assurance-titres

Le présent rapport n’a pas recommandé le recours à l’assurance-titres afin de se protéger contre le risque lié à l’hypothèque légale de la construction. En effet, cette assurance ne peut constituer un moyen de protection fiable permettant au législateur d’éviter d’apporter les correctifs nécessaires pour la protection de l’acheteur et du propriétaire-occupant, ce produit d’assurance étant une offre commerciale basée sur l’évaluation du risque.  [...] Le recours à l’assurance-titres ne doit donc pas être une solution envisagée par le législateur pour remédier aux problématiques liées à l’hypothèque légale de la construction.

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Conclusion

À la lumière des éléments soulevés dans le présent rapport, un constat doit inévitablement être fait : l’hypothèque légale de la construction doit être réexaminée et être adaptée aux nouvelles réalités qui caractérisent actuellement le monde de la construction au Québec et, de façon plus générale, la société en son ensemble. 

Les problématiques qui découlent des attributs particuliers de cette sûreté, notamment son caractère occulte et son rang prioritaire, représentent un grand avantage pour certains mais une menace envers la protection des consommateurs québécois. Cette menace risque également de s’accentuer en raison de la frénésie immobilière présente actuellement. À la lumière de cette situation, les recommandations du présent rapport ciblent particulièrement les parties les plus à risque de subir des conséquences importantes à la suite de l’inscription d’une hypothèque légale sur un immeuble : les acheteurs et les propriétaires occupants. 

Bien que le rapport dresse une liste de quinze recommandations, il est important de noter que certaines recommandations doivent être cumulatives pour produire leur plein effet. 

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Toujours dans cette optique d’analyser de façon globale l’industrie de la construction au Québec, il est important de souligner que, pour mieux protéger le citoyen et parvenir à véritablement rééquilibrer les forces en présence, d’autres éléments que l’hypothèque légale de la construction devront être pris en compte par le législateur. Lors des travaux ayant mené au présent rapport, il fut soulevé à plusieurs occasions la problématique de la responsabilisation des administrateurs des sociétés du domaine de la construction. En effet, la création et la liquidation d’une société par projet de construction limitent la responsabilité de ses dirigeants et, de ce fait, les recours des propriétaires lorsque survient un problème concernant la qualité des travaux exécutés qui ne sont inclus par une couverture d’assurance. Cette problématique ne touche pas directement le sujet du présent rapport et n’a donc pas fait l’objet de réflexions et de recommandations de la part du groupe d’experts. Toutefois, dans un esprit de transversalité, il est important de sensibiliser le législateur à cette problématique et de l’inviter à s’y pencher afin de trouver les solutions pour une meilleure protection des propriétaires d’immeubles.

Finalement, n’allant pas dans le sens d’une abolition pure et simple de l’hypothèque légale de la construction au Québec, le présent rapport tente plutôt de mieux encadrer cette sûreté en cherchant à rétablir un équilibre entre les différentes parties prenantes. Il revient toutefois au législateur de prendre la décision soit de mieux encadrer l’hypothèque légale de la construction en mettant en œuvre les recommandations proposées, soit de simplement l’abolir, car l’économie du Québec de 2021 n’a aucun comparable avec celle du siècle dernier. Le moteur économique du Québec d’aujourd’hui s’alimente dans plusieurs secteurs économiques qui s’auto-régulent et où les co-contractants conviennent à l’avance de protections juridiques lorsque le contexte et les enjeux le requièrent. Par conséquent, il reste toujours matière à réflexion quant à la pertinence de maintenir ou non cette protection unique dont bénéficie que les intervenants d’un seul secteur de  l’économie.

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