En effet, et comme la représentante de l’OACIQ l’affirmait, la pratique de l’inspection préachat n’est toujours pas encadrée au Québec, bien que ce soit pourtant réclamé par de nombreux acteurs depuis des décennies. Le gouvernement a fait un grand pas dans la bonne direction en décembre 2019 en confiant à la Régie du bâtiment du Québec le mandat de mettre en place ledit encadrement, mais une pandémie après, le règlement qui viendra préciser les modalités de cet encadrement se fait toujours attendre. Ce contexte, qui permet une grande disparité de compétence parmi les inspecteurs, laisse beau jeu à certains courtiers de spécifier que le vendeur a son mot à dire sur le choix de l’inspecteur.
En effet, si on se fait l’avocat du diable, on nous a dénoncé à plusieurs reprises des cas où le vendeur se retrouvait désavantagé par une inspection bâclée, pour le compte d’un promettant acheteur qui s’est ensuite désisté, le laissant incapable de vendre sa propriété à cause d’un rapport d’inspection exagérément alarmiste, lequel rapport le vendeur se doit de dénoncer aux futurs acheteurs. On peut donc comprendre qu’un vendeur ne souhaite pas se retrouver dans cette situation et qu’un courtier conseillant au mieux le vendeur, lui suggère de ne pas laisser n’importe quel inspecteur inspecter sa maison.
Il s’agit cependant d’une aberration ! Le travail de l’inspection préachat étant une condition imposée par l’acheteur pour sa propre protection, il est inconcevable que le vendeur ait son mot à dire sur le professionnel que l’acheteur choisit pour protéger ses intérêts! Considérant que l’OACIQ reconnaît des associations d’inspecteurs que ses courtiers ont le droit de référer (ce qui est d’ailleurs contesté par certains), il est contradictoire qu’ils tolèrent que des inspecteurs membres desdites associations soient écartés par certains courtiers.
C’est pourquoi nous jugeons très décevante la réponse de l’OACIQ dans ce dossier, d’autant plus que nous lui avions dénoncé un cas semblable dès 2017. Clairement, si c’était un enjeu prioritaire pour l’OACIQ, ils auraient pu remédier au problème en modifiant l’article 81 du règlement sur la déontologie des courtiers, lequel encadre la référence d’inspecteurs par des courtiers. Par exemple, l’OACIQ pourrait interdire à tout courtier d’inclure à une promesse de vente une clause qui viendrait écarter un inspecteur membre d’une association reconnue, ou possédant une formation reconnue, etc. Il faut cependant reconnaître que ce serait un peu jouer dans les plates-bandes de la RBQ, puisque c’est elle qui a reçu le mandat d’encadrer la profession. L’OACIQ pourrait également, comme ils l’ont fait en réponse à la vague d’achats sans inspection, ajouter un avertissement à leur formulaire de promesse d’achat. Celui-ci informerait explicitement l’acheteur (possiblement mal représenté) qu’en acceptant de partager le choix de l’inspecteur avec le vendeur, il cède une partie de ses droits et prend un risque important en affaiblissant ainsi considérablement la protection de sa condition d’inspection.
Conséquemment, si l’OACIQ a encore beau jeu de défendre la légitimité de la pratique à cause de l’absence d’encadrement par la RBQ, il serait beaucoup plus gênant que de telles clauses soient toujours tolérées le jour qu’un certificat de la RBQ sera nécessaire pour être inspecteur. Comment, alors, justifier qu’un inspecteur du choix de l’acheteur soit refusé par le vendeur? Clairement, les courtiers qui agissent ainsi doivent être sanctionnés.
Car, et c’est l’élément principal à se rappeler: l’inspection préachat est un élément essentiel pour acheter une propriété en toute prudence et le choix de l’inspecteur doit demeurer à la seule discrétion de son client: l’acheteur!
Toute pratique de courtiers qui vient priver l’acheteur de ce choix est, selon nous, condamnable. Plus encore, le simple fait que des courtiers aient le droit de référer des inspecteurs en bâtiment nourrit la collusion généralisée qui sévit dans cette industrie, une problématique régulièrement dénoncée par des inspecteurs qui sont écartés pour leur trop grande rigueur.
C’est pourquoi, dès que le règlement de la RBQ sur l’encadrement de l’inspection préachat sera en vigueur, nous jugeons que l’OACIQ devra amender sans délai le règlement sur la déontologie des courtiers afin qu’il leur soit interdit de référer ou d’écarter un inspecteur en particulier, seule la référence au registre de la RBQ demeurant acceptable.
C’est dommage d’être obligé d’en venir là, le courtier étant généralement un conseiller de confiance pour l’acheteur, mais l’expérience tant à démontrer qu’une trop grande proximité, très préjudiciable pour le consommateur, s’est installée entre ces deux industries et qu’il faudra bien, un jour, y mettre fin.