Actualité

Construction sans permis ou non conforme au permis : rappels sur la notion d’infraction continue

Dans deux arrêts récents, rendus le même jour et impliquant la Ville de Québec, la Cour d’appel, sous la plume du juge Stéphane Sansfaçon, examine la notion d’infraction continue dans le contexte de travaux effectués, soit sans avoir obtenu au préalable un permis de construction, soit de façon non conforme aux plans soumis pour l’obtention du permis.

Source: Pascal Marchi - Litige municipal - 12 janvier 2025

La distinction entre une infraction unique (ou ponctuelle) et une infraction continue est importante, puisqu’une infraction continue se répète à chaque jour, selon la règle prévue à l’article 155 du Code de procédure pénale :

155.     Lorsqu’une infraction a duré plus d’un jour, on compte autant d’infractions distinctes qu’il y a de jours ou de fractions de jour qu’elle a duré et ces infractions peuvent être décrites dans un seul chef d’accusation.

Or, cette distinction n’est pas toujours facile à appliquer, dépendant toujours de la rédaction de la disposition pénale qui crée l’infraction et du chef d’accusation apparaissant sur le constat d’infraction.

En résumé, à partir du texte de la disposition pénale, on doit déterminer en quoi consiste l’infraction, le moment où elle est commise, si elle se répète à chaque jour, et donc à quel moment et combien de fois elle pourra être sanctionnée.

(...)

Dans cette affaire, l’appelant Landry a été accusé d’avoir « maintenu ou toléré des travaux effectués sans avoir préalablement obtenu un permis alors qu’un permis était nécessaire pour de tels travaux contrevenant ainsi aux articles 999 et 1203 du Règlement d’harmonisation sur l’urbanisme (R.V.Q. 1400) » :

999.       Quiconque contrevient ou permet que l’on contrevienne à une disposition de ce règlement, maintient des travaux de construction effectués sans permis ou maintient un état de faits qui nécessite un certificat d’autorisation sans l’avoir obtenu, commet une infraction et est passible, pour une première infraction, d’une amende dont le montant est, dans le cas d’une personne physique, de 1 000 $ et, dans le cas d’une personne morale, de 2 000 $.

1203. Un projet de construction, d’implantation, de transformation, d’agrandissement ou d’addition d’un bâtiment est interdit sans l’obtention préalable d’un permis de construction.

(...)

Déclaré coupable par la Cour municipale, et par la Cour supérieure en appel, l’appelant plaide devant la Cour d’appel que la seule infraction qui peut lui être reprochée et d’avoir « effectué des travaux sans permis », et donc qu’il ne peut être condamné deux fois pour la même infraction, en plus du fait que celle-ci serait prescrite.

La Cour rejette cet argument :

[18]      En l’espèce, […], l’article 999 du Règlement crée clairement une infraction du fait de maintenir, c’est-à-dire de laisser en place, des travaux de construction effectués sans permis. Le mot « travaux » signifie, dans le contexte de cet article, non pas l’exécution d’un travail, mais bien le résultat d’un tel travail, c’est-à-dire l’ouvrage, la construction qui en a résulté.

[19]      À l’instar de la juge de la Cour municipale, dont le raisonnement a reçu l’aval du juge de la Cour supérieure, il m’apparaît que l’amendement apporté en 2007 à l’article 83 du Règlement sur l’administration des règlements d’urbanisme et l’établissement des droits payables pour les permis et les certificats – depuis repris dans l’article 999 du Règlement – ajoutant les mots « maintient des travaux de construction effectués sans permis ou maintien dans un état de faits qui nécessite un certificat d’autorisation sans l’avoir obtenu », est venu créer une nouvelle infraction qui couvre la situation de l’appelant.

[20]      L’infraction reprochée à l’appelant est donc une infraction continue visée par le deuxième alinéa de l’article 1004 du Règlement qui le rend passible de condamnations quotidiennes :

1004.   Dans chaque cas d’infraction visée au présent chapitre, les frais s’ajoutent à l’amende.

Si une infraction visée au présent chapitre est continue, cette continuité constitue, jour par jour, une infraction séparée et l’amende édictée pour cette infraction peut être infligée pour chaque jour que dure l’infraction.

[…]

[21]      De la même façon, la prescription s’appliquera jour par jour un an suivant chaque jour qu’aura duré l’infraction.

[22]      La conclusion aurait évidemment été différente si le constat d’infraction avait plutôt reproché à l’appelant d’avoir effectué des travaux sans permis, seule infraction possible avant l’ajout en 2007 de l’infraction de maintien. L’exécution de travaux sans permis est une chose alors que le maintien de travaux effectués sans permis en est une autre. Dans les deux cas, si l’infraction dure plus d’un jour, on pourra compter autant d’infractions distinctes qu’il y a de jours où elle a perduré, à la différence que dans le premier cas, les infractions prendront fin une année suivant la fin des travaux, alors que dans le cas de l’infraction de maintien de travaux exécutés sans permis, l’infraction perdurera aussi longtemps que le justiciable maintiendra la construction érigée sans permis sur le terrain. En l’espèce, l’appelant pourra mettre fin à cet état d’illégalité, soit en démolissant le garage, soit en demandant et obtenant a posteriori un permis de construction.

La Cour rejette donc l’appel.

Retour à la liste des actualités

Nous tenons à remercier nos principaux subventionnaires,
partenaires et collaborateurs :