Enjeux électoraux

Vendredi, 9 septembre, 2022
Marc-André Harnois, ACQC

Alors que la campagne électorale bat son plein au Québec, vous avez sans doute remarqué qu’on a quand même beaucoup parlé d’habitation. Cela dit, on en parle surtout en termes de quantité, et pour cause, il y a un besoin criant pour de nouveaux logements au Québec, qu’ils soient destinés au marché locatif ou aux propriétaires occupants. Cependant, les différents partis ne parlent presque jamais d’habitation en termes de qualité, un thème qui est la raison d’être de l’ACQC, laquelle constate quotidiennement à quel point les consommateurs immobiliers ont souvent de la difficulté à en avoir pour leur argent et à faire respecter leurs droits. Ainsi, parmi les sujets négligés par les différents partis, on retrouve notamment: 

La réforme du droit à l’hypothèque légale de la construction. 

Pour rappel, l’hypothèque légale de la construction est un droit qu’ont différents acteurs de l’industrie de la construction, s’ils ne sont pas payés, d’inscrire une hypothèque sur une propriété sur laquelle ils ont effectué des travaux. Pour aborder ce débat, il est primordial de comprendre que, ce droit étant mal encadré, il est très souvent utilisé abusivement par des entrepreneurs véreux afin de forcer un consommateur, qui est pourtant dans son droit, à payer pour des travaux mal réalisés. Alors que Simon Jolin-Barrette s’était commis à ce sujet durant la dernière campagne électorale, qu’une pétition initiée par l’ACQC a recueilli 2237 signataires et qu’un rapport de la Chambre des notaires du Québec lui a offert de nombreuses recommandations pertinentes pour corriger les lacunes actuelles, force est de constater que malgré les travaux effectués au ministère de la Justice, le ministre de la Justice n’a pas rempli son engagement électoral de réformer cette disposition du Code civil du Québec. Nous souhaitons ardemment que ce dossier poursuive son chemin après l’élection, car il s’agit actuellement, à notre avis, de la plus grande menace aux droits des consommateurs dans le domaine de la construction

Les hausses de prix illégales dans l’habitation neuve

Bien que nous l’ayons dénoncé à plusieurs reprises depuis l’hiver 2021, le gouvernement n’a absolument rien fait pour contrer les hausses de prix illégales exigées par de nombreux entrepreneurs dans l’habitation neuve depuis la surchauffe immobilière. Exigées sous prétexte des hausses du prix des matériaux, elles sont souvent bien supérieures à celle-ci et servent alors plutôt à suivre illégalement les prix du marché. On a parfois vu des hausses de plus de 100 000 $ à quelques jours de passer chez le notaire. Il est maintenant clair que le contrat préliminaire pour l’achat d’une habitation neuve ne vaut plus grand-chose et que tout acheteur doit avoir un plan B, car rien ne lui garantit qu’il aura son habitation au prix convenu, pas même la Garantie de construction résidentielle (GCR). Des recours existent, mais il est beaucoup plus facile d’obtenir un dédommagement, alors qu’il est très difficile d’obtenir l’habitation convoitée. Pourtant, plusieurs solutions existent, mais aucune ne semble avoir retenu l’attention des différents partis. 

L’encadrement des entrepreneurs en construction par la Régie du bâtiment du Québec

Le principal responsable des problèmes de qualité effroyable qu’on observe dans la construction au Québec est l’absence d’un encadrement adéquat des entrepreneurs en construction par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ), comme le rapportait justement dans son rapport la Vérificatrice générale du Québec en juin 2021. Notamment, la formation initiale obligatoire, la surveillance obligatoire des chantiers et la réforme du système de cautionnement de licence sont des pistes de progrès significatifs promus par plusieurs acteurs importants de l’industrie. En réponse à ce rapport accablant, la ministre Andrée Laforest à d’ailleurs organisé une Journée de la construction en décembre dernier. Plusieurs idées, dont certaines relativement consensuelles, sont ressorties de cette journée, mais nous n’avons, depuis, réentendu parler d’aucune. Il s’agit là d’un chantier de longue haleine et nous espérons qu’il sera repris par un.e éventuel ministre de l’Habitation (à créer) après l’élection.  

Deux poids, deux mesures, au Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

Une injustice dénoncée sans succès depuis 2017: les acheteurs d’habitations neuves sont actuellement divisés en deux catégories: ceux qui achètent dans un petit bâtiment (relativement bien protégés) et ceux qui achètent en dans un grand bâtiment. La protection de ces derniers par un plan de garantie va de moindre à inexistante. Selon nous, n’en déplaise aux différents plans de garantie privés qui perdraient leurs parts de marché, par souci d’équité et de protection du public, tous les acheteurs devraient être protégés par un même Plan de garantie, quelle que soit l’habitation convoitée. De plus, le Plan de garantie public devrait être sensiblement plus généreux que ce qu’il est aujourd’hui, notamment en ce qui concerne la protection des dépôts (plafonnée à 50 000 $). Un autre enjeu ignoré des différentes plateformes électorales. 

Protection des consommateurs

Finalement, si les consommateurs dans le domaine de la construction sont parmi les plus désavantagés au chapitre des injustices, c’est également parce qu’on a refusé de les protéger dans la Loi sur la protection du consommateur. En effet, si cette loi s’applique à la rénovation, elle ne s’applique pour l’essentiel pas à la construction. À l’époque, on avait promis qu’une loi spécifique à ce domaine suivrait, mais elle n’est jamais venue et il s’agit là d’une lacune qu’il serait grand temps de corriger. Pourquoi, lorsqu’il est question de l’achat le plus important d’une vie, est-on moins bien protégé que lors de nos menus achats du quotidien? Tout un illogisme !

Également, comme le proposait la Chambre des notaires du Québec dans son rapport sur l’hypothèque légale de la construction, la création d’un tribunal spécialisé dédié spécifiquement à l’habitation serait une avenue à étudier pour favoriser des règlements plus rapides dans ce domaine, ce qui serait à l’avantage des consommateurs comme des entrepreneurs. Car en effet, s’il est une rare chose sur laquelle l’ACQC est en accord avec l’industrie de la construction, c’est que les délais actuels pour le règlement des différends sont inacceptables et sont, en soi, un frein important à l’accès à la justice, et ce pour toutes les parties. Malgré tout ce qu’on dénonce, le consommateur est  bel et bien protégé par un ensemble de droits non négligeables. Mais, s’il est bien d’avoir des droits, il est encore mieux d’être en mesure de les faire respecter et c’est souvent là que le bât blesse. 

 

Pour conclure, lorsqu’un candidat viendra cogner à votre porte, n’hésitez donc pas à lui parler de ces enjeux méconnus qui, faute d’attirer bien des votes, continuent de briser des vies, régulièrement.