Garantie de construction résidentielle - Un chien de garde qui manque de mordant

Mercredi, 27 octobre, 2021
Hugo Joncas, La Presse

Extrait(s) :

Les règles que Québec a mises en place pour protéger les acheteurs de maisons neuves ont besoin de rénovations majeures. C’est le patron de la Garantie de construction résidentielle (GCR) lui-même qui le dit. Avec la faillite douteuse du constructeur Bel-Habitat, le chantier est devenu urgent, insiste Daniel Laplante en entrevue avec La Presse, sa première depuis la catastrophe de l’été dernier à Laval.

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L’entreprise a déclaré faillite en juin. Son propriétaire, Luc Perrier, a ainsi laissé tomber pas moins de 118 familles qui attendaient la livraison de leurs maisons à Laval. En vertu du règlement qui la régit, la GCR ne peut pas leur rembourser plus de 50 000 $, même si la plupart d’entre elles avaient confié à Bel-Habitat des sommes beaucoup plus importantes.

Pour mieux protéger les consommateurs se retrouvant dans des situations semblables, Daniel Laplante compte recommander à la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) une série de changements au règlement qui régit son organisation. Il appartiendra à la responsable de l’organisme, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, puis au Conseil des ministres, de les approuver.

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Par exemple, plusieurs des consommateurs pris au piège ont confié à Luc Perrier des dépôts pouvant atteindre plus de 500 000 $, voire 700 000 $, pour financer la construction de leur nouvelle demeure, soit 14 fois le maximum assurable de 50 000 $.

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D’autre problèmes préoccupent le patron de la Garantie. Son organisation a notamment besoin de meilleurs outils pour lutter contre la « fausse autoconstruction », selon lui. Dans un tel cas de figure, un consommateur prétend se charger lui-même de l’érection de sa maison. Dans les faits, il la confie plutôt à un entrepreneur général qui se présente comme un « gestionnaire de projet » pour échapper à ses responsabilités. Il paye ainsi moins cher, mais se retrouve sans protection en cas de pépin.

À l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC), le directeur général Marc-André Harnois est impatient de voir des changements se concrétiser à la GCR.

En juin 2019, la RBQ avait invité son organisme pour faire le point sur la Garantie. Depuis, plus rien.

Au-delà des acomptes et de la règle sur la propriété du terrain, l’ACQC croit également que la GCR devrait prendre des mesures pour obliger les constructeurs à respecter leurs contrats, malgré la hausse des prix des matériaux et de la main-d’œuvre. « Des entreprises ont réalisé que de ne pas respecter leur contrat, ce n’est pas si grave que ça », dénonce-t-il.

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Depuis 2017, la Garantie de construction résidentielle (GCR) classe les entrepreneurs en fonction d’une cote de qualité. L’organisme s’en sert pour déterminer le coût de la couverture et la fréquence des inspections pour chacun d’entre eux.

En mai 2019, la GCR a voulu rendre cette cote publique pour qu’elle puisse aussi guider les consommateurs dans le choix de leur constructeur. Le lobby de l’industrie s’y est toutefois opposé, puis a convaincu Québec de bloquer cette décision.

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Plus de deux ans plus tard, la vérificatrice générale du Québec a démontré l’inefficacité du système de protection du public dans la construction. Le 30 septembre, la RBQ a retiré toutes les licences des Habitations Trigone, l’un des plus importants constructeurs au Québec, qui a pu multiplier les malfaçons pendant des années dans ses condos (le Tribunal administratif du travail a suspendu cette sanction le 14 octobre).

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L’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction, elle, s’était réjouie de la publication des cotes en 2019. Le directeur général Marc-André Harnois croit qu’il est grand temps de démontrer plus de transparence. « Il y a peut-être eu des ratés dans les premières années des cotes de la GCR, mais depuis ce temps-là, elles sont rendues solides. »