Immobilier: «Tout le monde parle des critères ESG aujourd'hui!»

Mercredi, 12 octobre, 2022
Kévin Deniau, Les Affaires

Extrait(s) :

L’an dernier, dans le cadre d’un sommet immobilier, Natalie Voland n’en a pas cru ses yeux : une grande partie des conférences portaient sur des questions d’ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance). « Tout le monde en parle aujourd’hui alors qu’il y a 10 ans, je me battais pour qu’il y ait au moins une intervention sur le sujet », se rappelle la présidente du promoteur immobilier montréalais Gestion immobilière Quo Vadis, première entreprise québécoise à obtenir la certification B-Corp, marqueur des entreprises bénéfiques pour la société.

Et pour cause : le secteur serait globalement responsable de 38 % des émissions mondiales de CO2, selon l’Alliance mondiale pour les bâtiments et la construction (GlobalABC), et ce, du fait de deux sources principales de pollution.

La première, appelée « carbone opérationnel », est liée à l’exploitation des bâtiments et à leur consommation énergétique de chauffage et de climatisation. Il s’agit d’un défi croissant pour de nombreux joueurs qui décident de prendre les devants. La société immobilière montréalaise Ivanhoé Cambridge ambitionne ainsi d’atteindre la neutralité carbone de son portefeuille en 2040. Une motivation qui se révèle aussi bien éthique que stratégique.

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La deuxième source de pollution provient de l’extraction des matières premières ainsi que de la fabrication, du transport et de l’installation des matériaux utilisés dans la construction. On parle alors de « carbone intrinsèque ». « Les plans gouvernementaux se concentrent essentiellement sur le carbone opérationnel, mais ce n’est que regarder la moitié de la photo », estime Hugo Lafrance, associé à la Division des stratégies durables du bureau d’architecture et de design Lemay. Pour lui, la réglementation doit aujourd’hui englober l’ensemble de la chaîne de valeur, voire du cycle de vie d’un bâtiment.

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« L’innovation seule ne résoudra pas ce problème global… mais on en a besoin pour réussir », plaide pour sa part Denis Leclerc, président d’Écotech, la grappe des technologies propres. Aux Îles-de-la-Madeleine, une nouvelle usine-laboratoire s’apprête à produire du « béton vert » réalisé notamment… de sable de dragage et de coquilles de crustacés ! À Montréal, l’entreprise CarbiCrete a pour sa part mis au point à l’Université McGill un béton sans ciment, et même négatif en carbone, c’est-à-dire qui arrive à séquestrer du CO2.
 

L’essor de l’économie circulaire au sein de l’industrie pourrait constituer une autre piste de solution. « Il y a un vrai défi autour de la rénovation : 80 % des bâtiments qui seront debout en 2050 existent déjà » illustre en effet Stéphane Villemain. « On ne parle d’ailleurs plus de démolition, mais de déconstruction désormais », ajoute Annick Desmarteau, vice-présidente à l’exploitation des bureaux au Québec d’Ivanhoé Cambridge.

Selon un rapport de Recyc-Québec paru en 2021, 3,4 millions de tonnes de matériaux de construction sont ainsi envoyées à l’enfouissement chaque année au Canada, ce qui constitue un immense gaspillage. L’acier, par exemple, matériau intégralement recyclable en soi, n’est seulement fabriqué au pays qu’à partir de 40 % d’acier recyclé.