L’avenir de l’économie et du logement

Lundi, 11 juillet, 2022
Bob Dugan, SCHL

Extrait(s) :

L’inflation au Canada a atteint son plus haut niveau en près de 40 ans, ce qui a incité la Banque du Canada à augmenter le taux directeur. D’autres hausses sont également prévues. Beaucoup se demandent ce que cela signifie pour l’activité future dans le secteur de l’habitation. Les principales préoccupations sont :

  • les perspectives de croissance des prix des habitations au Canada;
  • la capacité du secteur à accélérer l’offre de logements pour commencer à rétablir l’abordabilité du logement au pays.

 

Pendant la pandémie de COVID-19, la demande des ménages a repris rapidement après les fortes baisses initiales. Cependant, l’offre de biens et de services n’a pas suivi le rebond de la demande.

La guerre en Ukraine a fait monter les prix de l’énergie et des produits de base, et la politique zéro COVID de la Chine a entraîné d’autres perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Ces 2 facteurs externes ont contribué à la hausse de l’inflation.

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En raison de l’incertitude généralisée, la SCHL a élaboré 2 scénarios pour comprendre l’impact potentiel de la situation sur le logement : un scénario de taux d’intérêt modéré et un scénario de taux d’intérêt élevé.

Dans le scénario de taux d’intérêt modéré, le taux directeur atteindrait 2,5 % d’ici le début de 2023 et demeurerait à ce niveau jusqu’à la fin de 2025. Ce taux directeur ne stimulerait pas la croissance économique, mais il ne la freinerait pas non plus (taux directeur neutre).

Dans ce scénario, la hausse modérée des taux d’intérêt serait suffisante pour maîtriser l’inflation, puisque les ménages sont sensibles à l’augmentation des taux compte tenu de leur fort endettement.

Dans le scénario de taux d’intérêt élevé, la Banque du Canada serait obligée de prendre des mesures plus fortes pour éviter que la demande excédentaire n’entraîne une escalade des prix et des salaires en réponse aux attentes inflationnistes élevées. Cette intervention plus musclée serait nécessaire pour ralentir la croissance de l’économie afin que la demande excédentaire s’essouffle et que les attentes d’inflation se modèrent. Elle permettrait ainsi de ramener l’inflation globale à sa cible de 2 %.

Selon ce scénario, le taux directeur de la Banque du Canada augmenterait de façon plus marquée : il monterait à 3,5 % au début de 2023, avant de revenir graduellement au taux neutre de 2,5 %. Dans les 2 scénarios, l’inflation reviendrait à la barre des 2 % d’ici la fin de 2023.

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Que signifient ces scénarios pour les marchés de l’habitation au Canada?

La hausse des taux ralentira la croissance économique, ce qui fera augmenter le chômage et diminuer la croissance des salaires. Ces facteurs, conjugués à la hausse des taux hypothécaires, rendront l’accès à la propriété plus difficile. La majoration des taux fera aussi augmenter les coûts de construction, surtout en raison des coûts de financement accrus. La hausse des coûts de construction, des coûts des matériaux et de la pénurie de main-d’œuvre limitera l’offre de logements. L’activité dans l’ensemble des marchés de l’habitation au Canada devrait diminuer d’ici le milieu de 2023.

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Les taux hypothécaires commenceront à se stabiliser en 2024. Soutenus par la hausse du revenu des ménages et de l’immigration, les prix des logements devraient retrouver une croissance positive, mais modérée. La persistance des prix élevés durant la période à l’étude pèsera sur l’abordabilité des logements pour propriétaires-occupants. Comme la SCHL le mentionne dans son rapport Pénurie de logements au Canada – Estimation des besoins pour résoudre la crise de l’abordabilité du logement au Canada d’ici 2030, une telle situation ferait augmenter la pression sur le marché locatif. Les personnes qui songeaient à acheter une habitation demeureront locataires plus longtemps, et les taux d’inoccupation des logements locatifs baisseront davantage.

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Les mises en chantier d’habitations devraient diminuer par rapport à leurs niveaux records de 2021, mais elles demeureront élevées comparativement à leur moyenne à long terme.

À court terme, les mises en chantier d’habitations seront limitées par :

  • la pénurie de main-d’œuvre;
  • la forte augmentation des coûts des matériaux;
  • la hausse des coûts de financement causée par la montée des taux d’intérêt.

 

Cependant, les prix élevés continueront de favoriser les mises en chantier d’habitations. Sous l’effet combiné des différents facteurs, le niveau des mises en chantier devrait légèrement diminuer. À long terme, la construction résidentielle restera forte par rapport aux moyennes historiques. Les mises en chantier d’habitations seront soutenues par les niveaux élevés des prix et de la population.

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Ces scénarios ne tiennent pas compte de tous les risques de baisse qui pèsent sur les prévisions. Une augmentation des tensions géopolitiques pourrait faire monter les prix des produits de base, tandis que de nouvelles éclosions de COVID-19 pourraient prolonger les perturbations de la chaîne d’approvisionnement.

Ces deux possibilités maintiendraient l’inflation à un taux élevé à court et à moyen terme. Il pourrait falloir resserrer davantage la politique monétaire et conserver les taux élevés plus longtemps que dans notre scénario de taux d’intérêt élevé. Cette intervention plus musclée permettrait de modérer les attentes des ménages et des entreprises et de ramener l’inflation à la cible de 2 %.

Dans le pire des cas, une stagflation pourrait s’ensuivre.