L'accès à la justice ne se limite pas aux cliniques juridiques universitaires

Mardi, 15 décembre, 2020
Jérémy Boulanger-Bonnelly, Policy Options Politiques

Extrait(s) :

La loi 75 du gouvernement du Québec permettra aux étudiants en droit de fournir des conseils juridiques, mais seulement dans les cliniques reconnues par les universités.

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Elle permettra aussi aux étudiants en droit de fournir des conseils aux citoyens dans des cliniques juridiques reconnues par les universités. S’il faut saluer cette initiative attendue depuis longtemps, on peut néanmoins espérer que les parlementaires étendront cette possibilité sous peu à toutes les cliniques juridiques du milieu communautaire, dont certaines sont les grandes oubliées de ce projet.

Un bref rappel de la situation actuelle s’impose. Les cliniques juridiques existent depuis une quarantaine d’années. Les étudiants en droit y travaillent bénévolement, sous la supervision de juristes chevronnés, et leurs services s’adressent au grand public. Certaines cliniques relèvent des universités, d’autres, d’organismes communautaires. Parmi ces dernières, plusieurs sont reconnues par les universités, c’est-à-dire que les étudiants peuvent y effectuer un stage crédité par l’université, alors que d’autres cliniques offrent leurs services hors du cadre universitaire.

Contrairement aux cliniques juridiques de plusieurs provinces canadiennes, les cliniques québécoises étaient limitées dans leurs actions, puisque les étudiants pouvaient seulement fournir de l’information juridique, et non des conseils. La ligne de démarcation entre les deux services était souvent difficile à tracer. Généralement, les étudiants pouvaient expliquer le droit applicable, sans toutefois conseiller leurs clients sur la meilleure marche à suivre.

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Les cliniques communautaires font partie d’un réseau tissé serré qui pallie quotidiennement l’inaccessibilité de notre système de justice. Sans elles, des milliers de personnes dont le revenu est trop élevé pour leur donner accès à l’aide juridique, mais tout de même trop modeste pour qu’elles puissent se payer un avocat seraient tout simplement laissées à elles-mêmes, sans repères pour se retrouver dans nos lois et notre système de justice. La loi 75, en écartant les cliniques qui ne sont pas supervisées par les universités, crée un système à deux vitesses, où seulement quelques-unes pourront offrir un service complet à la population.

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Il est d’ailleurs prévu que ce soit le Barreau du Québec ― dont le rôle est justement de protéger le public ― qui préparera le règlement. Dans la mesure où ces obligations assureront une structure et un encadrement adéquats, le fait qu’une clinique soit chapeautée par une université plutôt que par un organisme communautaire ne devrait rien changer. Bref, il faut prendre en compte les conditions d’exercice plutôt que l’emplacement des cliniques.

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En limitant sa portée aux cliniques reconnues par les universités, le gouvernement coupe l’herbe sous le pied d’organismes chevronnés qui offrent des services juridiques de qualité et qui sont présents dans des collectivités bien plus diversifiées que nos universités québécoises : pensons à Juripop, à la Clinique juridique de Saint-Michel ou à la Clinique juridique du Mile End, par exemple.

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Il faut reconnaître l’apport essentiel des organismes communautaires en donnant à leurs cliniques juridiques les mêmes outils qu’à celles qui sont gérées ou reconnues par les universités. La loi 75 constitue un premier pas en ce sens, mais espérons que le gouvernement proposera sous peu une nouvelle mesure législative qui palliera ses lacunes.