Maisons neuves : des entrepreneurs haussent indument les prix

Mardi, 11 mai, 2021
Marie-Ève Shaffer, Protégez-Vous

Extrait(s) :

À quelques semaines, voire à quelques jours d’emménager dans leur propriété toute neuve, des consommateurs reçoivent un avis de l’entrepreneur leur demandant une somme d’argent supplémentaire pour couvrir la hausse des coûts de construction, sans que le contrat n’autorise une telle augmentation. Est-ce légal? Ont-ils des recours?

Depuis l’automne, l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC) a reçu plus de 130 plaintes d’acheteurs de maison neuve à qui des entreprises de la construction ont réclamé un versement supplémentaire avant la prise de possession. Et ce ne serait que la pointe de l'iceberg.

«Notre cas record est de 135 000 $ pour une maison d’environ 300 000 $. La moyenne est de 30 000 à 35 000 $», mentionne le directeur général de l’ACQC, Marc-André Harnois, qui juge ces augmentations «illégales».

Si les consommateurs n’acceptent pas de payer ces extras, l’entrepreneur menace de «résilier le contrat préliminaire, de les poursuivre ou de faire faillite», en sachant très bien qu’un nouvel acheteur sera prêt à délier les cordons de sa bourse, rapporte l’ACQC.

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Par mesure de précaution, l’APCHQ recommande depuis l’automne à ses membres d’inclure une clause prévoyant une augmentation des prix dans des circonstances «imprévisibles et déraisonnables». Elle leur suggère aussi d’engager une «franche discussion» avec leurs clients.

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Cette augmentation du coût de construction est-elle justifiée? En se basant sur l’Indice des prix de la construction de bâtiments de Statistique Canada, M. Harnois avance que les prix pour la construction d’une maison isolée ont bondi de 5,5 % en 2020 dans la région de Montréal, alors qu’ils ont progressé en moyenne de 3,4 % au cours des trois dernières années. La différence de 2,1 % représente environ 7 000 $ pour une habitation de 328 000 $.

L’APCHQ rétorque que les données de Statistique Canada ne sont pas à jour. Elle réfléchit d’ailleurs à la création d’un observatoire qui serait en mesure de fournir des données «fiables et objectives».

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L’ACQC recommande de déposer une plainte à la Régie du bâtiment du Québec. «Mais il faut être conscient que ça sert surtout à aider les autres, dit M. Harnois. Ça ne réglera pas son problème.»

L’APCHQ réplique qu’une telle plainte, qui pourrait entraîner le retrait de la licence de l’entrepreneur, pourrait pénaliser d’autres clients, qui attendent un service après-vente ou même une nouvelle maison.

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«Le Code civil du Québec prévoit que l’entrepreneur n’a pas le droit de résilier un contrat, sauf s’il a un motif sérieux, mais il ne doit pas le faire à contretemps, mentionne Me Tschamper. Même si la COVID-19 constitue effectivement un motif sérieux pour réclamer 30 000 $ de plus, l’entrepreneur ne pourra pas l’invoquer à la dernière minute, par exemple avant la livraison de la maison; ce serait non seulement à contretemps, mais en plus contraire à la bonne foi.»

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Cela dit, si la situation est urgente et qu’un préjudice «sérieux et irréparable» risque d’être causé à l’acheteur, celui-ci peut mandater un avocat pour présenter une ordonnance de sauvegarde devant un tribunal.
 

«L’envoi d’une demande de sauvegarde provoque les choses. Cela pourrait déclencher des pourparlers de négociation», souligne Me Jennifer Tschamper.

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Dans le cas où l’acheteur ne peut pas emménager dans la propriété, mais qu’il obtient gain de cause par la suite, il pourra réclamer les frais de logement qu’il a dû payer pendant les procédures judiciaires.