Manquement à des obligations : la pandémie, pas toujours un cas de force majeure

Lundi, 23 janvier, 2023
Me Yann-Julien Chouinard, Portail Constructo

Extrait(s) :

Le 13 mars 2020, le Gouvernement du Québec déclarait l’état d’urgence sanitaire sur tout le territoire québécois en raison de la pandémie de la COVID-19. La suspension des chantiers de construction qui en a suivi a fait couler beaucoup d’encre dans l’industrie, notamment en ce qui concerne la question de la force majeure.

Deux ans plus tard, les dossiers nés des impacts de la COVID-19 commencent à percoler du système de justice.

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Dans le cadre de sa décision, le tribunal est appelé à déterminer, en premier lieu, si la COVID-19 est un évènement de force majeure comme le prétend Hardroc. Pour ce faire, il rappelle qu’Hardroc avait le fardeau de démontrer le caractère imprévu et irrésistible de l’évènement.

En l’espèce, la situation à laquelle Hardroc a été confrontée n’avait rien d’imprévisible et d’irrésistible selon le tribunal. La reprise des travaux avait été planifiée et mise en œuvre. La prétention quant aux effets de la COVID-19 avait été soulevée à la dernière minute alors que rien n’empêchait les trois équipes d’Hardroc de travailler sur deux autres chantiers différents.

Le tribunal considère donc que l’argument de la COVID-19, qui n’était appuyé d’aucune preuve formelle, n’est pas la panacée à tous les maux d’Hardroc. Une planification prudente, diligente et avisée aurait évité le dérapage.

Au terme de son jugement, le tribunal conclura que le refus d’Hardroc de se présenter au chantier au moment prévu, alors qu’elle était en demeure de le faire, constituait une résiliation fautive de son contrat de sous-traitance et elle sera ultimement condamnée à verser des dommages.

Il est intéressant de noter que le juge conclut également au manquement d’Hardroc à son obligation de collaboration et de bonne foi. Pour le tribunal, si la situation avait été dénoncée à temps, le résultat aurait été vraisemblablement différent, mais ce ne fut pas le cas. En annonçant soudainement qu’elle ne pouvait pas se présenter, Hardroc est allée à l’encontre des obligations minimales de bonne foi et de collaboration et a placé J. & R. en difficulté à une étape cruciale des travaux sur un chantier d’importance.

Conclusion

La COVID-19 a certainement pu occasionner d’importantes perturbations sur les chantiers de construction. Cependant, cette décision rappelle qu’il ne suffit pas pour un entrepreneur de simplement invoquer les effets de la pandémie pour être excusé d’un manquement à ses obligations contractuelles. Il demeure nécessaire de démontrer les caractères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et, en principe, d’extériorité lorsque l’on veut qualifier un évènement de force majeure. Surtout, il faut que cet évènement soit réellement la cause du manquement.