Renoncer à la garantie légale : à quel prix?

Dimanche, 8 mai, 2022
Me Gabriel Demers, Estrie Plus

Extrait(s) :

Ce n'est plus un secret pour personne : le marché immobilier a connu un grand essor en Estrie dans les dernières années. La demande étant élevée, de nombreux acheteurs renoncent à la garantie légale pour espérer accéder à la propriété. Quelles sont les conséquences d'une telle renonciation?

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Le 12 janvier dernier, l'honorable juge Pierre C. Bellavance a rendu une décision qui illustre bien les limites d'un recours suite à l'achat d'un immeuble sans garantie légale.

Les faits de l'affaire Proulx c. Robitaille1 sont relativement simples. Deux jeunes investisseurs font l'achat d'un immeuble à revenus de six logements, le tout sans garantie légale et pour le prix de 318 500,00$. Les acheteurs réalisent une inspection préachat qui leur indique que l'immeuble de 1946 est en mauvais état. Plusieurs travaux sont nécessaires. Toutefois, le vendeur assure n'avoir reçu aucun avis de non-conformité par le passé.

Pour rendre l'immeuble conforme à la réglementation, des travaux d'environ 72 000,00$ sont nécessaires. Par conséquent, les acheteurs déposent une demande introductive d'instance en Cour supérieure à l'encontre de leur vendeur, réclamant une somme totale d'approximativement 87 000,00$, incluant des dommages pour stress et inconvénients.

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En l'absence de garantie légale, les acheteurs immobiliers disposent tout de même d'un recours en dommages et intérêts s'ils réussissent à prouver la présence de dol de la part du vendeur, c'est-à-dire des manoeuvres frauduleuses destinées à les tromper. Il peut s'agir de représentations faites par écrit ou verbalement, mais qui démontrent de la mauvaise foi du vendeur et l'intention de tromper. Le dol doit avoir été déterminant pour la transaction.
Dans le cas présent, les acheteurs estiment avoir été trompés par le vendeur, puisqu'il a déclaré n'avoir reçu aucun avis d'infraction par le passé. Le tribunal est du même avis : le vendeur a menti aux acheteurs et ce mensonge a été déterminant. S'ils avaient connu la vérité, les acheteurs n'auraient peut-être pas acheté l'immeuble ou ils l'auraient probablement acheté à un prix moindre.

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Ainsi, le tribunal n'accorde pas les 87 000$ réclamés. Pour déterminer les dommages, il calcule plutôt la différence entre le prix qu'auraient dû débourser les acheteurs pour faire les travaux à long terme et le prix qu'ils devront réellement payer pour faire les travaux à court terme (en urgence).

Le tribunal conclut que les acheteurs devront assumer un prix 15% plus élevé que prévu en raison de l'urgence des travaux. Par conséquent, il ordonne au vendeur de leur payer une somme de 10 464,91$. Il rejette leur réclamation quant au stress et aux inconvénients.

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Cette décision montre bien les limites d'un recours en dommages et intérêts par des acheteurs ayant renoncé à leur garantie légale. Un acheteur avisé devrait minimalement poser des questions à son vendeur en exigeant des réponses écrites.

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