Un boom immobilier généralisé

Mardi, 20 avril, 2021
Olivia Gélinas, Clémence Pavic et Roxane Léouzon, Le Devoir

Extrait(s) :

«Il n’y a pas de doute. On est dans un marché de vendeurs et on va continuer à l’être pour quelques mois encore, parce qu’il y a tellement peu d’offres, que ça va prendre beaucoup de temps avant d’avoir un marché équilibré», estime l’économiste Joanie Fontaine.

Robert Hogue, économiste à la Banque Royale du Canada, remarque aussi qu’il y a « une surchauffe ».

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La surenchère a repris, avec des ventes dépassant de 10 à 15 % le prix demandé, et parfois plus, dit-elle. «Les gens paient de très gros montants et acceptent des conditions très difficiles, plutôt que de remettre leur projet à un peu plus tard. Ce sont des conditions complètement folles, surtout pour nos nouveaux acheteurs», indique Mme Beaudet.

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Les acheteurs sont nombreux à abandonner les conditions d’inspection pour que leur offre soit la plus alléchante possible. [...]

«Je le vois de plus en plus souvent. Les acheteurs délaissent les conditions importantes, telles que les vérifications en ce qui concerne les normes ou les zonages auprès des municipalités. C’est fou», dit-elle.

Les premiers acheteurs veulent profiter des taux d’intérêt très bas, le plus vite possible, quitte à se mettre à risque, explique Mme St-Vincent. «Certains achètent une première maison plus vite qu’une paire de souliers !»

Pour les courtiers, la situation est difficile à gérer, estime la courtière Emmanuelle Beaudet, parce qu’ils ont l’obligation de conseiller aux acheteurs de se protéger — notamment avec une inspection du bâtiment en bonne et due forme. «Mais honnêtement, même si on leur propose ça, les acheteurs ont parfois déjà été en situation d’offres multiples plusieurs fois et ils sont très conscients que, s’ils mettent des conditions pour se protéger, ils se tirent une balle dans le pied. Leur offre ne sera peut-être même pas regardée», explique Mme Beaudet, qui avoue que cela crée «un certain malaise professionnel».

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Selon Mme Laurendeau, une toute nouvelle demande est en train de se créer, celle de l’inspection post-achat. Les acheteurs omettent l’inspection pré-achat pour augmenter leurs chances de remporter la mise, mais veulent quand même évaluer l’état de leur bâtiment… A posteriori. «On se croise alors les doigts pour ne rien découvrir, rapporte Mme Laurendeau. J’ai déjà effectué une telle inspection et il y avait des travaux urgents de milliers de dollars à faire, avec des fourmis charpentières.»

Par ailleurs, il y aurait déjà une augmentation du nombre de demandes d’expertise pour des vices cachés, indique M. Parent. Il s’attend à ce que le nombre de poursuites d’acheteurs contre des vendeurs continue de se multiplier, avec tous les frais que cela comporte pour les deux parties, à mesure que les nouveaux propriétaires constatent les problèmes.

Une autre tendance observée est l’abandon de la caution judiciaire, aussi appelée garantie de qualité. «Ce n’est pas une bonne nouvelle», déplore Claude Coursol, avocat spécialisé en droit de l’immobilier, qui croit que les acheteurs comprennent plus ou moins la portée de la renonciation à cette garantie. «Plus une propriété est vieille, plus il y a de gros risques en abandonnant cette garantie», explique-t-il.

En temps normal, la garantie permet à l’acheteur de se retourner contre le vendeur si celui-ci omet — en connaissance de cause ou non — de dévoiler un vice au moment de la vente, explique l’avocat. Sans garantie de qualité, le seul recours possible est si le vendeur a volontairement caché un problème et que l’acheteur est capable de le démontrer. «Or, ce n’est pas du tout une chose facile à prouver», souligne M. Coursol.

Des voix s’élèvent pour réclamer une intervention d’urgence des gouvernements afin de calmer le marché immobilier qui s’emballe.

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Pour calmer la frénésie, le député solidaire dans Laurier-Dorion, Andrés Fontecilla, plaide quant à lui pour que les offres d’achat soient rendues publiques.

Une proposition que soutient Amine Ouazad, professeur à HEC Montréal, qui réclame aussi plus de transparence en ce qui concerne les transactions — ce qui éviterait que les acheteurs surenchérissent à l’aveugle.

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«Je suis d’avis qu’il faut le plus de transparence possible, pas seulement par rapport au montant des offres concurrentes lors d’une surenchère, mais aussi en ce qui concerne les transactions passées, sur les risques d’inondation, etc. Il faut avoir en quelque sorte une “biographie” d’une propriété pour pouvoir déposer une offre éclairée», explique-t-il.

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